Port-au-Prince, le 25 / 6 / 25
Lettre ouverte adressée au Secrétaire Général Albert Ramdin à l’occasion du 54e assemblée générale de l’OEA ainsi que le reste de la communauté internationale, vu la situation actuelle en Haïti:
Monsieur le Secrétaire Général,
Nous vous adressons nos plus chaleureuses félicitations à l’occasion de votre nomination au poste de Secrétaire Général de l’Organisation des États Américains. Votre expérience et votre engagement envers la région et au sein de cette organisation sont bien connus, et nous sommes convaincus que votre leadership contribuera grandement à renforcer la coopération et la solidarité entre les pays membres.
En qualité de responsables d’une entité importante de la société civile, nous saisissons cette opportunité pour souligner l’importance du soutien continu de l’OEA dans notre pays, notamment face aux enjeux actuels. Nous sommes très reconnaissants des efforts déployés par l’Organisation pour promouvoir la démocratie, la sécurité et le développement dans les Amériques, et nous sommes déterminés à travailler en étroite collaboration avec vous et votre équipe pour atteindre ce but commun.
Mise en contexte sur la crise :
Depuis la mort du feu président Jovenel Moïse, Haïti traverse une période particulièrement difficile, marquée par des crises politiques, économiques et sociales multiformes. Plus de deux transitions successives sans résultat tangible ; environ plus de … ont dû fuir le pays à cause de l’insécurité, des kidnappings et des meurtres. La majorité de ces personnes étaient des professionnels qualifiés, sans oublier la fermeture de plusieurs entreprises du secteur privé et de la classe moyenne, ce qui a provoqué un effondrement économique sans pareil dans le pays. Aujourd’hui, la misère et le désespoir règnent comme seules alternatives pour tous les Haïtiens désespérés.
Sur le plan sécuritaire, c’est le chaos total avec une force de police dépassée par la situation, dont une grande partie du personnel a dû quitter le pays pour le programme humanitaire connu sous le nom de « programme Biden », à cause de l’indifférence de l’État et de la mauvaise gouvernance. Au moment où nous vous adressons cette missive, Haïti est un État paria, où plus de 85 % de la capitale est entre les mains des terroristes. Aucun des grands axes de la capitale n’est sous le contrôle de l’État. Ce sont les chefs de gangs qui décident de la vie ou de la mort de la population, provoquant ainsi une pénurie de nourriture locale dans la capitale et une asphyxie des paysans qui n’avaient que la production agricole comme unique moyen de survie.
Le secteur médical est à genoux. Selon les autorités, plus de 80 % de nos centres hospitaliers sont dysfonctionnels, sans oublier plusieurs cadres médicaux qui ont dû fuir le pays pour ne pas devenir victimes des gangs.
Constat d’échec de cette transition :
Après plus de deux transitions à la tête du pays, aucune de ces formules n’a permis de redresser la situation. Aucun progrès significatif en termes de renforcement institutionnel n’est à signaler. La pacification des groupes armés est plus qu’incertaine aujourd’hui, malgré la présence du MSS aux côtés de nos forces de l’ordre. La réalisation du référendum et des élections pour cette année est irréalisable à cause du manque de légitimité et de moralité du CPT.
Après plus de 13 mois, le pays constate un blocage politique, sécuritaire, économique et humanitaire au sein même du Conseil Présidentiel de Transition dirigé par le coordonnateur Fritz Alphonse Jean — impuissant, incompétent et malicieux — sans oublier le chef du gouvernement, Alix Didier Fils-Aimé, qui est d’un nullisme absolu et un véritable irritant à la tête de la Primature.
Pendant le passage du CPT et de ce gouvernement, Haïti compte 1,3 million de déplacés selon l’OIM, à cause de l’insécurité.
Le nombre exact des policiers victimes de l’insécurité n’est pas précisé, mais depuis 2021, plus d’une centaine sont morts.
Plus de la moitié des gangs sont composés d’enfants soldats selon l’UNICEF.
En avril, le taux d’inflation a atteint 26,8 % selon l’IHSI.
Le taux de chômage chez les jeunes en Haïti est estimé à 14,8 % selon Trading Economics.
En 2025, environ 31 % de la population aura entre 0 et 14 ans, soit un peu plus de 3,7 millions de jeunes. Selon l’IHSI, plus de 72 % de la population est menacée par l’insécurité alimentaire.
Tout cela constitue un terreau favorable au renforcement des effectifs des groupes armés.
200 000 Haïtiens ont été expulsés vers Haïti l’année dernière, principalement de la République dominicaine.
Selon l’OIM, le nombre de personnes vivant sous les tentes est passé sous la barre des 500 000 personnes, représentant environ un tiers de la population initialement déplacée par le séisme de 2010.
Les groupes ne chôment jamais en matière de recrutement, malgré les mesures prises par le CPT pour combattre le trafic d’armes et de munitions illégales à la frontière via la douane. Cela n’empêche pas la prolifération des groupes armés et de leurs attaques contre la population et nos institutions publiques.
La justice est en déroute : pas de tribunaux, les principaux centres carcéraux ont été brisés, pillés et même incendiés. Le dernier cas en date est celui de Mirebalais, où 529 détenus se sont évadés. À rappeler que la plupart des prisons de la capitale ont été attaquées par les gangs.
Mise en garde contre la modification de l’accord du 3 avril et son prolongement :
Aucune modification ou prolongation de cet accord n’est envisageable. Sinon, si l’internationale, l’OEA et la CARICOM, persiste dans son entêtement utopique à proposer des « solutions haïtiennes » pour une bonne gouvernance en Haïti, ce ne sera pas seulement l’État haïtien qui s’effondrera, mais toute la région des Caraïbes et de l’Amérique latine qui sera également impactée et menacée, à cause du manque de leadership et de l’indifférence qu’ils manifestent vis-à-vis de la cause haïtienne.
Proposition de sortie de crise avec une autre formule :
Après ce constat amer, il est temps de penser sans délai à une autre transition avec une personnalité symbolique, légitime et morale à la tête du pays, avec des organisations de la société civile et de la classe politique non signataires de l’accord du 3 avril, ayant un agenda clair et précis. L’objectif : résoudre le problème de l’insécurité, organiser les élections et le référendum, qui représentent l’unique issue possible pour remettre le pays sur la voie de la stabilité et du progrès tant souhaité par tous les Haïtiens.
Attente :
Nous sommes convaincus que l’OEA, en tant que groupement régional, peut jouer un rôle déterminant dans notre cheminement vers la stabilité et la prospérité. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir accorder une attention soutenue aux besoins spécifiques de notre pays et de continuer à nous accompagner dans nos efforts pour renforcer nos institutions démocratiques, promouvoir le dialogue politique et améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.
Nous sommes persuadés que votre leadership avisé permettra de relever les défis auxquels notre région est confrontée et de promouvoir un avenir plus vivable, plus juste et équitable pour tous. Nous vous assurons de notre entière collaboration et de notre engagement à travailler ensemble pour un continent plus uni et florissant.
Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de notre très haute considération.
Pour Authentification :
Ricardo Fleuridor
Jonathan Renois
Nou Pap Konplis
CC: Secrétaire Générale de la CARICOM Mme. Dr Carla Barnet, Ambassadeur du Canada en Haïti M. André Francois Giroux, Ambassadeur de France en Haïti M. Antoine Michon, Ambassadeur des États-Unis en Haïti M. Henry T. Wooster, Ambassadeur d’Espagne en Haïti M. Marco Antonio Peñín Toledano, Ambassadeur d’Allemagne en Haïti M. Peter Sauer, Ambassdeur du Mexique en Haïti M. Daniel Cámara Alvaros et le Responsable de la délégation de l’Union européenne en Haïti M. Stefano Gatto.