Par Me Sonet Saint Louis
Le référendum constitutionnel lancé par le Conseil présidentiel de transition (CPT) n’a finalement pas eu lieu le 11 mai 2025, bien que cette date ait été fixée par un Conseil électoral provisoire dont on n’entend plus parler aujourd’hui.
Les préparatifs pour sa tenue, tout comme ceux de la conférence nationale censée décider — de manière illégale — de l’abrogation de la Constitution de 1987, avaient mobilisé des sommes considérables. Mais tout cela n’a abouti à rien.
Entre-temps, le CPT, une instance dont l’existence même est contestée par la majorité des citoyens, continue, malgré tout, ses manœuvres. On apprend à présent qu’il entreprend des démarches auprès de la CARICOM pour solliciter une prolongation de son mandat de deux ans, au-delà du 7 février 2026, date de son expiration. C’est plus que grotesque ! Le peuple haïtien, composé en majorité des masses rurales et urbaines, en tant que grand acteur du destin et de l’histoire, doit faire échec aux technocrates sournois, aux hommes d’affaires, aux hommes d’église, aux intellectuels aux idées et actions tristes et négatives qui prospèrent dans le chaos et la destruction d’Haïti.
Avec cette classe politique apatride et sans vision, la nation touche le fond. Pour ces sinistres personnages, à la fois anarchiques et corrompus, le peuple — pourtant seul dépositaire de la souveraineté nationale selon la Constitution de 1987, dont il est l’auteur — n’est plus la source du pouvoir ni de la légitimité démocratique. À leurs yeux, c’est désormais la CARICOM, cette instance régionale agissant comme une sorte d’usine de sous-traitance de Washington, qui incarne l’autorité. C’est à elle, hélas, que ce CPT sans légitimité s’est adressé pour solliciter un sursis.
Ce à quoi nous assistons dépasse la tragédie nationale.
Ces soi-disant gauchistes
Qui aurait pu imaginer que l’ensemble des fractions de la gauche haïtienne au pouvoir, réunies au sein de cette coalition gouvernementale, seraient capables de provoquer une telle dégradation, à la fois morale et politique, mettant en péril la souveraineté nationale de notre pays ? Au-delà de cette honte, les actions de ces personnages, véritables monstres de la politique, constituent une sorte d’injure envers le peuple haïtien.
Face à un tel comportement, qui dévalorise notre nation, devons-nous accepter cette situation ? Faut-il que nous continuions à demeurer passifs, comme un peuple dénué de valeur, face à l’aliénation de notre souveraineté ? Une souveraineté qui pourtant réside dans la volonté générale, celle qui permet au peuple de choisir librement ses représentants à travers des élections démocratiques.
Ces individus, qui exercent actuellement le pouvoir sans le consentement du peuple, n’ont aucun droit de remettre en question la souveraineté du pays, car elle appartient au peuple, et chaque citoyen en détient une part, selon le principe fondamental de l’égalité. Il est plus que jamais nécessaire de réagir face à cet affront.
On aura tout vu avec cette classe politique, aidée par une société civile sous le contrôle de l’International. Ce sont ces deux groupes qui ont mis en place un régime hors norme aux idées totalitaires à travers un CPT, investi du pouvoir de révoquer et nommer qui il veut au sein de l’appareil judiciaire et de promulguer des décrets sur toutes les questions d’intérêt public sans débat. Ce CPT peut renvoyer le Premier ministre, chef de l’administration publique qui est son subalterne de qui il a reçu son autorité. Un CPT qui n’est soumis à aucun type de contrôle. Il est absolu ! C’est le gouvernement des élites corrompues haïtiennes. Chaque peuple a le gouvernement qu’il mérite. C’est cette forme de gouvernement que les puissances occidentales, toujours prêtes à donner des leçons de démocratie, imposent à la direction d’Haïti.
Depuis l’époque de René Préval, ce président « spécial » qui a dirigé Haïti à deux reprises, la question de la réforme constitutionnelle, bien que nécessaire, a souvent été utilisée comme un prétexte pour permettre à certains groupes mafieux de s’enrichir, au détriment des réels besoins de la nation. Dans cette entreprise mafieuse de réformes constitutionnelles continues, quarante millions de dollars américains ont été gaspillés sous l’administration de Jovenel Moïse et de Claude Joseph dans un projet de référendum qui n’a jamais vu le jour.
Les amendements apportés en 2011 sous l’administration Préval n’ont en rien amélioré le texte de 1987, ni fait évoluer le droit haïtien. C’était un travail futile, sans aucune valeur ni politique, ni juridique. Je l’ai répété à plusieurs reprises : le texte de 1987, par sa légitimité double, reste le fondement de la vie de chaque Haïtien. C’est pourquoi il est destiné à perdurer.
Ce qui leur importe c’est l’argent
Ce que nous observons aujourd’hui, ce sont des réalités financières qui dominent chez certains groupes, plutôt qu’une véritable volonté d’assainir le texte fondateur de 1987, en l’épurant de ses confusions, imprécisions, ambiguïtés et, dans certains cas, de ses contradictions.
On peut faire de l’argent sans pour autant sombrer dans l’avarice. Notre pays, qui a un besoin urgent de développement, doit pouvoir compter sur des élites qui croient fermement que la véritable richesse découle du travail, de la production en quantité et en qualité, et non de l’exploitation de choses vaines, futiles et corruptibles. De telles pratiques, au sein de nos élites, ne peuvent qu’engloutir davantage le pays dans la déchéance et la dégénérescence.
Les biens mal acquis, issus du trésor public, ne profiteront que peu de temps à ceux qui les ont accaparés. Comme le dit la Bible : « L’amour de l’argent est la racine de tous les maux ». Ces maux, nuisibles à notre bien-être collectif, continuent de provoquer, sans relâche, le dysfonctionnement de notre système administratif. Toutefois, un traitement judiciaire efficace pourra émerger lorsque les conditions propices à la bonne gouvernance seront établies.
Reprendre le contrôle de l’argent, maîtriser le capital, comme l’ont prêché les nouveaux marxistes, ne peut s’accomplir que par une politique d’enrichissement personnel. Ces anciens communistes de pacotille, se sont aujourd’hui convertis au néo-libéralisme économique, sans doute après avoir découvert trop tard l’importance et la puissance de l’argent. C’est ce qui justifie leur avidité et leur indignité manifeste.
Ainsi, le billet vert a été utilisé par les États-Unis comme le principal levier de séduction pour anéantir définitivement la gauche haïtienne, qui faisait de la lutte contre l’impérialisme le moteur et la raison fondamentale de son action politique en Haïti, un impérialisme incarné en grande partie par les États-Unis.
Pour certains observateurs, qui croyaient encore au discours gauchiste et anti-impérialiste, ce revirement spectaculaire dans les actions de ces politiciens, guidées par la recherche d’argent facile à tout prix, en dit long sur l’avenir du pays. Il y a quelques années, j’émettais des inquiétudes sur la possibilité qu’Haïti soit transformé en un territoire transnational, sous le contrôle d’un pouvoir global, où les dirigeants ne seraient que de simples agents locaux. Et c’est exactement ce qui est en train de se passer aujourd’hui. Le Dr Sauveur Pierre Étienne l’a répété à plusieurs reprises : les membres du CPT ne sont pas seulement des criminels, mais des individus en mission. Cette déclaration mérite d’être examinée, à un moment où il devient difficile de nier que notre pays est pris au piège dans ce contexte de recomposition de la géopolitique mondiale, prélude à un affrontement entre puissances rivales.
Pour ces dirigeants sans base populaire, imposés à la tête de notre pays par de petits arrangements, ainsi que leurs tuteurs internationaux qui tentent de bâtir une démocratie sans le peuple, l’argent, même s’il provient de la corruption, devient un outil essentiel pour mener la guerre politique, surtout en vue des batailles électorales dans cette démocratie imposée et contrôlée. Pour eux, la prise de contrôle de l’État et de son administration à des fins économiques, dans la poursuite d’objectifs malsains, devient le seul moyen de dépenser les fonds publics pour assurer leur survie politique.
Luttons pour un retour à l’État de droit
Je le répète : la seule richesse d’un homme d’Etat réside dans sa foi et sa croyance dans le devenir de son pays. La véritable guerre à craindre est celle qui provoque la disparition de nos institutions. Il est impératif d’apprendre à nos politiciens que garder les institutions en vie est la meilleure politique. Il y a là toute une grammaire à redécouvrir et à apprendre.
Ce moment de désarroi, inédit, nous fait penser raisonnablement que nous sommes sur le point de perdre notre pays. Notre grande tristesse ne réside pas seulement dans le renoncement de ces dirigeants de facto à ce qui est pour nous l’essentiel — la préservation de notre indépendance — mais dans l’incapacité de ceux qui perçoivent la menace à être en mesure de la contrer. Les nations ennemies ont tracé la voie de la destruction d’Haïti en imposant à sa tête des dirigeants médiocres et corrompus.
Dieu aime la justice et déteste la corruption ainsi que l’injustice. Quand les citoyens souffrent à cause de la corruption, notre Dieu le voit. Que devons-nous faire maintenant pour sauver Haïti de la destruction ? Allons-nous croiser les bras, continuer à gémir et à nous lamenter, laissant à la CARICOM la possibilité de renouveler un gouvernement corrompu et criminel à la tête de notre république ? Les criminels mènent des démarches à l’international pour se maintenir au pouvoir, cherchant à obtenir un mandat présidentiel sans mandat populaire. Alors, quelle devrait être notre action à l’intérieur du pays ?
La corruption n’est ni une perspective de paix, ni de justice, ni d’avenir. Elle est violence et elle hypothèque l’espoir des générations présentes et futures. Elle doit être combattue par une violence plus grande : celle de notre détermination, de notre combat, de notre conviction, de nos actions patriotiques dans la perspective d’un retour à l’État de droit, afin de changer la vie en Haïti.
Nous comprenons leur stratégie : ils volent l’argent du trésor pour acheter les votes des citoyens lors des prochaines élections. Mais ils se trompent lourdement : la réponse du peuple est déjà préparée et gravée sur tous les murs. Elle est celle-ci :
Kote kòb komisyon Siclair a ?
Kote kòb ti projè prezidans la ?
Kote lò bank santral la ?
Kote kòb Petro Karibe a ?
Kote kòb referandòm Jovenel Moise la ?
Kote kòb konferans nasyonal CPT a?
Kote kòb referandòm konstitisyonel CPT a kitap fèt 11 mai 2025 lan?.
Kote kòb sèvis entelijans palè a?
La corruption est la violence des élites contre le peuple.
« Pa gen kòb, men gen kòd ».
Sonet Saint- Louis av
Professeur de droit constitutionnel et de méthodologie à la Faculté de droit et des sciences économiques de l’université d’État d’Haïti.
Sous les bambous
La Gonave, 11 mai 2025.
sonet.saintlouis@gmail.com