Port-au-Prince La Banque de la République d’Haïti (BRH) a publié la Circulaire No. 95-5, un document qui, au premier coup d’œil, semble technique, mais dont les implications frappent en plein cœur l’économie déjà essoufflée du pays. Officiellement, cette circulaire vise à “encadrer les opérations de change dans les établissements financiers agréés. Mais qu’on ne s’y trompe pas : c’est une manœuvre bien huilée pour garder le contrôle sur un marché dont la BRH a perdu depuis longtemps les rênes”.
*Un encadrement ou un étouffement ?*
La circulaire impose désormais un taux de change unique entre l’achat et la vente des devises. En clair, fini les marges de manœuvre, la compétitivité. L’objectif ? Réduire la spéculation. Le résultat probable ? Un marché parallèle qui se frotte déjà les mains.
*Les banques dans le viseur*
Les institutions financières sont sommées de se conformer, sous peine de sanctions. Mais avec quels outils ? Cette directive ne leur donne aucun moyen supplémentaire pour absorber les chocs du marché. Résultat : une pression supplémentaire sur des banques déjà frileuses, qui risquent de limiter davantage l’accès aux devise. Ce qui affectera d’abord les petits importateurs, les entrepreneurs locaux, et inévitablement, les consommateurs.
*La main de fer dans le gant de velours*
Ce qui choque, ce n’est pas l’intention de stabiliser la gourde qui est un impératif mais bien la méthode. Au lieu de s’attaquer aux causes profondes de la dépréciation monétaire, la BRH choisit encore une fois le contrôle autoritaire. L’inflation, les déficits publics, l’économie informelle, la dépendance chronique aux transferts de la diaspora ? Silence radio. On préfère serrer la vis à ceux qui respectent soi-disant ( encore ) les règles du jeu.
*Un goût de déjà-vu*
Cette circulaire n’est pas un tournant, c’est un cercle. On a déjà vu ce film. À chaque turbulence monétaire, la BRH publie une circulaire. Et à chaque fois, la monnaie continue de couler; les prix augmentent, et le peuple de trinquer. Quand donc romprons-nous avec cette obsession de la gestion cosmétique, pour oser des réformes structurelles et durables ?
La Circulaire No. 95-5 est symptomatique d’un système économique qui s’enlise dans la gestion d’urgence, sans vision de long terme. Ce n’est pas seulement une circulaire, c’est un signal. Celui d’une banque centrale qui manque de courage pour affronter la racine du mal, et qui préfère le confort de I’illusion à l’inconfort du changement.