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MMSS en Haïti: après l’échec du leadership kényan, Washington prend les commandes

PORT-AU-PRINCE.— Après un an de présence en Haïti, la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) change officiellement de cap. L’Ambassade des États-Unis à Tabarre a annoncé vendredi que Washington prendra désormais le leadership de cette force internationale, jusque-là dirigée par le Kenya. Cette décision marque un tournant majeur dans l’approche internationale de la crise haïtienne.

Le Kenya à bout de souffle

Lorsque la MMSS a été déployée le 25 juin 2024, Nairobi avait accepté d’assumer le commandement de la mission, soutenue logistiquement et financièrement par Washington. Mais dès les premiers mois, de ce leadership a démontré ses limites. Faible effectif, manque d’équipement adapté, absence d’un mandat robuste: les forces kényanes ont eu du mal à contenir l’avancée des gangs armés, qui continuent de contrôler de larges portions de Port-au-Prince et des axes stratégiques.

Le Kenya, isolé sur le terrain et critiqué dans son propre pays pour l’implication de ses policiers dans un conflit à l’étranger, a progressivement perdu de sa crédibilité. Plusieurs observateurs parlent d’un «leadership symbolique voire fictif», incapable de produire des résultats tangibles.

Washington reprend la main

C’est dans ce contexte que le Chargé d’Affaires américain en Haïti, Henry T. Wooster, a confirmé, vendredi, la volonté de son pays de reprendre les rênes. «Nous voulons prendre cette force, la MMSS, et la modifier afin qu’elle dispose de tous les atouts: pouvoirs, personnel et équipement nécessaires pour accomplir ce qui doit être fait», a-t-il déclaré devant la presse, dans une vidéo officielle diffusée par l’Ambassade.

Il a néanmoins tenu à saluer l’engagement de Nairobi : «Les Kényans ont fait absolument tout ce que nous leur avons demandé de faire». Mais derrière cette reconnaissance polie se cache un constat d’échec: l’architecture initiale de la mission n’était pas à la hauteur du défi sécuritaire haïtien.

Une décision lourde de portée politique et diplomatique

L’annonce américaine dépasse le simple champ militaire. Elle révèle une réaffirmation de la doctrine classique de Washington: face à l’instabilité chronique d’Haïti, aucune autre puissance ne peut réellement diriger une mission internationale sans l’appui direct des États-Unis.

Ce retour assumé du «Tonton Sam» suscite autant d’attentes que de méfiance. D’un côté, beaucoup espèrent que la puissance logistique et militaire américaine donnera enfin à la mission une capacité d’action réelle contre les gangs. De l’autre, certains redoutent une nouvelle forme de tutelle, rappelant les longues périodes d’ingérence étrangère qui ont jalonné l’histoire du pays.

Le prochain test: l’ONU

Washington prévoit de soumettre une résolution au Conseil de sécurité afin de redéfinir le mandat de la MMSS. L’objectif : élargir ses effectifs, renforcer son arsenal logistique et lui accorder une marge de manœuvre opérationnelle plus robuste.

La question cruciale reste toutefois de savoir si cette nouvelle phase de la mission pourra obtenir des résultats rapides et visibles pour la population haïtienne, plongée depuis des années dans une spirale de violence et de crise institutionnelle.

Jean Mapou

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