Par Killy Johao
Difficile de faire le dénombrement et le décompte des exactions commises ces cinq dernières années dans le pays. Enlèvements et assassinats par milliers. Disparitions sommaires, des meurtres suivis d’exécution par centaines. Incendies criminels, évasions spectaculaires en cascade, exode interne, migration à l’étranger…
Les victimes ne s’identifient plus. Personnalités notoires, socioprofessionnels, des anonymes, des humanitaires. Parfois, pour des règlements de compte, action choque ou par simple plaisanterie. Les cadavres s’entassent par millier.
Le tableau est sombre. Mais, on a déjà vu des scènes identiques dans des périodes précédentes, aussi grotesques qu’elles soient, pas si longtemps que ça. C’est une spirale, de façon cyclique, à chaque fois nous fredonnons la même chanson afin de raviver la flamme de l’espoir.
Les organisations des droits humains pondent des rapports au quotidien pour frapper l’entendement.
Beaucoup veulent partir. Ceux qui restent, deviennent, malgré eux, assiégés comme des rescapés de l’insécurité. Ne pouvant fuir, nous attendons la furie des gangs. Impuissants, nous nous regardons consumer, comme le bébé d’Eliana.
L’encerclement est total. Nous sommes cernés de partout.!De quartier en quartier… des quatre coins de la zone métropolitaine. Cet espace territorial se rétrécit de jour en jour et de plus en plus.
Il ne reste que quelques corridors pour circuler. Deux ans déjà, qu’on avait attiré l’attention de l’opinion sur ce processus, si cynique qu’il soit, qui devrait inexorablement aboutir à ce cheminement. Et nous y sommes. Nous y voilà ! Il y a ni issue ni alternative. Avons-nous encore perdu notre capacité de nous révolter ? De nous indigner et nous rebeller ? Franchement !
Dans un instinct de survie, les gens s’organisent comme ils peuvent… barrières en fer forgé, barbelées, barricades de carcasses et de pneus. Un peu partout la ville se transforme en des minis camps de concentration. La vie n’est plus ce qu’elle était avant. Le temps a changé. Ce n’est plus le temps d’avant. Ils s’entassent pour ne pas mourir. La résistance est une urgence, seule arme de combat.
Le pays est à l’agonie. La maison est en feu. Les cris de détresses, déjà lancé. Très longtemps, d’ailleurs! Les appels au secours sont inaudibles. Pourtant, on nous répond pas.
Dans le viseur de cet inventaire, nous identifions, au moins, un morceau de vide, comme dans la théorie des vitrées brisées, à partir desquelles il faut reconstruire, une parcelle de nous mêmes sur les souffles de demain. Un brin d’herbe qui redonnera vie à la nouvelle Haïti.
Ici, le bout du monde. Un territoire perdu où l’Etat est à terre. Seul existent, aujourd’hui, les bandits, les autorités de substitution.
Par Killy Johao