Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti est plongée dans une instabilité profonde, marquée par l’absence d’élections et une gouvernance contestée. En effet, depuis le premier lundi de janvier 2023, date marquant la fin du mandat du tiers du Sénat restant, le pays n’a aucun élu en poste.
Haïti traverse une impasse institutionnelle depuis plusieurs années. L’absence d’un président élu et le dysfonctionnement du Parlement ont contribué à fragiliser l’État. Les gouvernements de transition qui se sont succédé ont tous peiné à instaurer un climat propice à la tenue d’élections. La classe politique est fragmentée, et la méfiance entre les acteurs nationaux rend difficile un consensus sur un calendrier électoral viable.
Lors de plusieurs interventions dans les médias, le président du conseil présidentiel, Leslie Voltaire, a pourtant réaffirmé la volonté des autorités de la transition d’organiser des élections pour renouveler le personnel politique du pays au cours de l’année 2025. S’il est vrai que l’organisation d’élections en Haïti en 2025 apparaît comme un enjeu majeur pour restaurer la légitimité des institutions et stabiliser un pays en proie à une crise politique et sécuritaire persistante, il est crucial d’évaluer le degré de faisabilité d’un tel projet.
Les autorités haïtiennes pourront-elles réaliser des élections crédibles dans le contexte actuel de la crise haïtienne ?
UNE INSÉCURITÉ GRANDISSANTE ET UN CADRE INSTITUTIONNEL INADAPTÉ
La montée en puissance des gangs armés constitue l’un des principaux obstacles à l’organisation d’élections en 2025. Plus de 80% de la capitale serait sous le contrôle de groupes criminels, rendant impossible l’installation de bureaux de vote dans de nombreuses zones. Les violences, les enlèvements et la difficulté des forces de sécurité à être efficaces compromettent le droit des citoyens à voter librement et en toute sécurité. D’ailleurs, il faut souligner que les deux départements avec le plus grand taux d’électeurs (près de 60%) sont les plus touchés par l’insécurité, à savoir l’Ouest et l’Artibonite. Comment prétendre à des élections crédibles avec seulement 40% de l’électorat haïtien?
Le Conseil Électoral Provisoire (CEP), chargé d’organiser les élections, souffre d’une absence de légitimité et d’un manque de consensus autour de sa composition, ce qui empêche toute avancée significative. De plus, l’absence d’une réforme électorale claire et acceptée par les différents acteurs politiques limite la crédibilité d’un éventuel processus électoral.
L’organisation des élections nécessite également des moyens considérables en termes de logistique, de formation des agents électoraux et de sécurisation des bureaux de vote. Or, Haïti manque cruellement de ressources financières et techniques pour garantir un scrutin transparent et inclusif. De plus, le blocage au niveau des routes nationales, et celui de l’Aéroport peuvent entraver la libre circulation et la communication entre les départements, notamment pour favoriser le déploiement des forces de sécurité dans les différentes régions du pays. L’appui de la communauté internationale pourrait s’avérer déterminant pour surmonter ces défis. Cependant – et il faut le souligner –, les interventions extérieures sont souvent perçues avec méfiance par une grande partie de la population haïtienne, qui dénonce une ingérence et une influence excessive des puissances étrangères. Le défi sera donc d’équilibrer l’aide internationale avec une approche respectueuse de la souveraineté haïtienne.
Quant à la volonté des autorités haïtiennes, si elles affichent régulièrement leur intention d’organiser des élections, l’absence de mesures concrètes laisse planer des doutes sur une réelle volonté d’aboutir à un scrutin en 2025. La question de la transition politique et des garanties à offrir aux différentes forces en présence reste une source de tensions majeures. La question des scénarios possibles pour 2025 mérite alors d’être étudiée.
D’un côté, une projection optimiste déterminerait qu’un accord politique serait trouvé pour restructurer le CEP, mettre en place un calendrier électoral et assurer un minimum de sécurité, avec un appui logistique et financier suffisant pour surmonter les obstacles techniques. Il faudrait, pour cela, que tous les acteurs politiques mettent de côté leurs intérêts personnels au profit de l’intérêt collectif.
D’un autre côté, l’absence d’amélioration sur le plan sécuritaire et institutionnel entraînerait un report des élections à une date ultérieure, prolongeant la crise politique et risquant d’aggraver la défiance populaire envers les autorités.
QUELLE ALTERNATIVE POUR SORTIR DE L’IMPASSE ?
Face à l’impasse, certains acteurs pourraient plaider pour une transition politique avec un modèle de gouvernance moins complexe, autre que celui du CPT, facilitant une meilleure prise de décision et mieux adapté au contexte haïtien, en charge de préparer les conditions nécessaires à des élections crédibles dans un avenir plus lointain.
En définitive, l’organisation d’élections en Haïti en 2025 dépendra de plusieurs facteurs : l’amélioration de la sécurité, la restructuration des institutions électorales et la volonté politique des autorités. Si certains signes d’avancée existent, les obstacles restent nombreux et pourraient contraindre à un nouveau report du scrutin. Pour éviter une prolongation de l’instabilité, un dialogue national inclusif et un accompagnement international réel et dynamique seront indispensables afin de poser les bases d’un processus électoral crédible et accepté par tous.