Parallèle entre les Guédés en Haïti et Halloween en Occident
Par Evans Paul
Introduction : La mort, miroir de la vie
La vie et la mort demeurent les deux pôles inséparables de l’existence. L’une n’a de sens qu’à travers l’autre. Depuis la nuit des temps, l’être humain cherche à apprivoiser la mort, à la comprendre, à la ritualiser pour mieux célébrer la vie. Cette dialectique universelle entre la fin et le recommencement, entre l’absence et la mémoire, constitue le fondement même de la conscience humaine.
Les Guédés : la vie qui danse avec la mort
En Haïti, les Guédés incarnent avec éclat cette alliance entre la vie et la mort. Ils représentent à la fois les esprits des morts et les gardiens de la vitalité.
Chaque année, les 1er et 2 novembre, des Haïtiens se rassemblent dans les cimetières, au son des tambours et des prières vodou, pour honorer la mémoire des disparus. Ce moment de recueillement devient aussi une fête de communion, de rires et de transes, où la mort perd son pouvoir de terreur.
Les Guédés rappellent que la mort n’est pas un effacement, mais une passation d’énergie : nos ancêtres vivent à travers nous, et nous continuerons à vivre à travers ceux qui viendront après.
Halloween : l’ombre apprivoisée de la mort
En Occident, Halloween, célébrée chaque 31 octobre, trouve ses racines dans la fête celtique de Samhain, marquant la fin des moissons et l’entrée dans la saison sombre. C’était jadis le moment où les frontières entre les vivants et les morts s’amincissaient.
Au fil du temps, cette célébration s’est transformée en une fête populaire et théâtrale, où la peur est tournée en dérision. Les enfants, déguisés en fantômes, squelettes ou sorcières, vont de porte en porte, conjurant la mort par le rire, la lumière et le partage. Halloween demeure ainsi une manière symbolique de désamorcer la fatalité, de faire de la mort un jeu que l’on peut comprendre, imiter, voire maîtriser.
Deux cultures, une même quête
Sous des formes différentes, les Guédés et Halloween traduisent la même recherche spirituelle : donner sens à la finitude, entretenir le lien entre les mondes, préserver la mémoire des anciens, et rappeler que la vie, si fragile soit-elle, est un don à célébrer.
Là où l’Occident met en scène la peur pour la dompter, Haïti rit et danse pour la transcender. Le rire des Guédés, leur irrévérence et leur sensualité expriment une sagesse populaire profonde : la mort n’a pas le dernier mot.
Philosophie de la continuité
Nous sommes la continuité vivante de nos ancêtres, porteurs de leurs luttes, de leurs prières et de leurs rêves. Chaque génération prolonge le grand cycle de la vie, comme un fleuve qui change de cours sans jamais cesser de couler.
Célébrer la mort, c’est reconnaître la vie dans sa totalité, avec sa fragilité et sa beauté. La force de la vie réside précisément dans la conscience de sa finitude.
Conclusion : la mort comme passage
La mort n’est pas la négation de la vie, mais son autre visage.
Les Guédés, par leur humour et leur vitalité, nous rappellent que mourir, c’est aussi revenir autrement, dans le souvenir, dans le souffle, dans la descendance.
Et Halloween, par son théâtre de masques et de lumières, nous enseigne que la peur du néant peut être apprivoisée.
La finitude, c’est la limite qui rend la vie consciente d’elle-même.
Vivre, c’est humaniser la mort sans cesser d’aimer.
Mourir, c’est prolonger la vie dans la mémoire de l’amour.
CENTRE ABC – ATIZAN BON CHANJMAN
Delmas, Haïti
Samedi 1er novembre 2025


