Alors que des principes clairs encadrent le fonctionnement scolaire, certaines écoles privées continuent de violer la loi en imposant des frais irréguliers, des ouvertures anticipées et d’autres pratiques abusives. L’Union de Parents d’Élèves Progressistes d’Haïti (UPEPH) multiplie les alertes et dénonce la complicité passive du Ministère de l’Éducation Nationale, en dépit de la loi du 10 septembre 2009, approuvée en 2016 sous Jocelerme Privert et publiée dans Le Moniteur en janvier 2017.
En Haïti, la loi portant régularisation des frais scolaires a été adoptée pour garantir un accès équitable à l’éducation et encadrer strictement les coûts imposés aux familles. Proposée par le sénateur Kély C. Bastien et votée sous la présidence provisoire de Jocelerme Privert, elle repose sur la Constitution de 1987, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Convention relative aux droits de l’enfant. Ce texte législatif rappelle que l’éducation est un droit fondamental et que son coût ne doit pas constituer une barrière insurmontable pour les familles.
La loi est explicite : les frais de scolarité doivent être payés en gourdes, les frais de réinscription sont interdits et un dépôt de garantie ne peut excéder 500 gourdes, déductible des frais annuels.
Le plafond des frais est fixé à deux mois de salaire pour le préscolaire et trois mois pour le fondamental et le secondaire. Leur paiement doit s’effectuer en trois versements (50 % à la rentrée, 25 % au deuxième trimestre et 25 % au troisième). Toute augmentation est limitée à 10 % tous les quatre ans.
Les cérémonies de graduation sont strictement encadrées : interdites pour le jardin d’enfants et facultatives pour la terminale, elles ne doivent pas dépasser deux mois de scolarité.
La loi exige aussi que les écoles respectent les règles fiscales : patente obligatoire pour la vente d’uniformes et tenue de livres comptables vérifiables par le MENFP et la DGI. En cas de violation, les sanctions prévues vont de 5 000 gourdes pour les parents ou élèves à 50 000 gourdes pour les directeurs d’école, avec recours au Code pénal en cas de non-paiement.
Pourtant, huit ans après son adoption au Parlement et près d’une décennie après sa promulgation officielle, cette loi reste largement ignorée. C’est ce que dénonce avec vigueur l’Union de Parents d’Élèves Progressistes d’Haïti (UPEPH) dans une lettre ouverte adressée au ministre de l’Éducation Nationale, Augustin Antoine, le 30 août 2025.
L’organisation pointe du doigt les écoles congréganistes et les établissements dits de “prestige”, accusés de violer systématiquement la loi et reproche au MENFP de fermer les yeux, malgré ses responsabilités de contrôle.
L’UPEPH cite plusieurs abus concrets. Bien que le MENFP ait fixé la rentrée scolaire 2025-2026 au 1er octobre, de nombreuses écoles privées ont ouvert dès la première ou la deuxième semaine de septembre, imposant aux parents le paiement anticipé du premier, voire du deuxième acompte, avant même la publication de la liste des fournitures scolaires.
Dans un contexte marqué par une crise économique et sécuritaire où près de 98 % des parents de la zone métropolitaine ont perdu leur emploi, ces pratiques sont jugées abusives.
L’organisation dont Léo Litholu est secrétaire général dénonce également les dérives des écoles nationales dirigées par des religieux. Alors que le MENFP avait fixé une contribution annuelle symbolique de 1 500 gourdes, certaines de ces institutions, dont les enseignants sont pourtant rémunérés par l’État, exigent entre 35 000 et 40 000 gourdes par élève.
D’autres imposent l’achat obligatoire d’uniformes, de chaussettes ou de barrettes directement auprès de l’établissement, souvent à des prix exorbitants. Certaines vont jusqu’à exiger que les parents fassent confectionner les uniformes par des couturières agréées par l’école.
Plus grave encore, l’UPEPH signale le retour déguisé des frais de graduation, désormais rebaptisés “fêtes de fin d’année” et facturés en dollars américains. À cela s’ajoute l’imposition de frais allant jusqu’à 10 000 gourdes pour le NISU (Numéro d’Identification Scolaire Unique), une exigence jugée totalement illégale.
Face à cette situation, l’UPEPH appelle le ministre Antoine à agir sans délai pour faire respecter la date officielle de rentrée du 1er octobre 2025 et mettre fin aux pratiques illégales qui étranglent financièrement les parents.
L’organisation avertit que dans certaines communes de Delmas et de Pétion-Ville, des écoles profitent de la crise d’insécurité pour augmenter leurs frais de 50 %, contraignant des familles déjà fragilisées à s’endetter lourdement afin d’éviter que leurs enfants ne basculent dans les rangs des gangs armés.
Le contraste est flagrant : alors que la loi fixe des garde-fous précis, de nombreuses écoles privées continuent de fonctionner comme si elles étaient au-dessus des règles. Le silence prolongé du MENFP et l’absence de sanctions réelles posent une question centrale : à qui profite la transgression de ces lois ?
La Rédaction


