lundi, décembre 1, 2025
9.7 C
Londres

Trump et Xi scellent une trêve commerciale en Asie : entre détente stratégique et calculs politiques

Par Jean Wesley Pierre

Jeudi 30 octobre 2025 — En marge du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (Apec), Donald Trump et Xi Jinping ont signé un accord provisoire réduisant partiellement les droits de douane imposés à la Chine. Une trêve aux implications économiques et géopolitiques majeures, dans un contexte de rivalité exacerbée.

Un déplacement asiatique sous le signe de la négociation

En visite en Asie depuis plusieurs jours, Donald Trump a multiplié les rencontres diplomatiques, de Kuala Lumpur à Busan, pour conclure ce qu’il présente comme un « grand succès » : un accord commercial temporaire avec le président chinois Xi Jinping.

Cette rencontre, tenue jeudi 30 octobre en Corée du Sud, marque une pause dans la guerre commerciale que les deux puissances mènent depuis des années. Selon les termes de l’accord, Washington abaissera le taux moyen des droits de douane sur les importations chinoises de 57 % à 47 %, après avoir atteint un pic inédit de 130 % en avril dernier.

Malgré cette baisse, la Chine demeure l’un des pays les plus taxés par les États-Unis, derrière l’Inde et le Brésil. L’accord, d’une durée d’un an renouvelable, s’apparente donc moins à une réconciliation qu’à une désescalade tactique.

Des compromis économiques : soja, terres rares et industries stratégiques

L’un des points centraux de l’accord concerne les terres rares, ces métaux essentiels aux technologies de pointe. Pékin a accepté de retarder d’un an la mise en place de restrictions à l’exportation de ces matériaux, sur lesquels elle détient un quasi-monopole mondial. En échange, Washington renonce à imposer les 100 % de droits de douane supplémentaires qu’il menaçait de mettre en œuvre dès le 1er novembre.

La Chine s’est également engagée à reprendre l’achat de soja américain, à raison de 25 millions de tonnes par an, une décision très attendue par les agriculteurs américains durement touchés par les représailles chinoises depuis 2018. D’autres mesures d’allègement, comme la suspension des enquêtes américaines sur les industries maritimes chinoises et l’arrêt des taxes sur le fret maritime, figurent aussi dans le compromis.

Pour Trump, ces concessions sont un atout politique majeur : elles offrent un répit économique à ses bases rurales et industrielles tout en lui permettant de proclamer un succès diplomatique à l’étranger.

Entre rivalité stratégique et coopération contrainte

Si les deux dirigeants se félicitent du ton « constructif » de leurs discussions, la réalité géopolitique demeure toutefois très tendue. Cette trêve n’efface pas les profonds contentieux structurels entre Washington et Pékin : la rivalité technologique, la question de Taïwan, la course à l’intelligence artificielle et la compétition pour les ressources critiques.

Le président américain, Donald Trump a profité de la rencontre pour évoquer un volet sécuritaire inattendu : une coopération bilatérale contre le fentanyl, un opioïde synthétique produit en grande partie à partir de précurseurs chimiques chinois. Pékin a promis de renforcer ses contrôles pour « bloquer les flux de précurseurs entrant aux États-Unis via le Mexique et le Canada », selon le secrétaire au Trésor, Scott Bessent.

Les deux présidents ont aussi discuté du « plan de paix mondial » de Donald Trump, incluant un volet sur la guerre en Ukraine. Un signal que la diplomatie économique américaine s’accompagne désormais d’ambitions géostratégiques affirmées.

Un accord avant tout politique

La trêve commerciale sino-américaine doit durer jusqu’en décembre 2026, date prévue pour la prochaine visite de Xi Jinping aux États-Unis, à l’occasion du sommet du G20.

Mais derrière les déclarations optimistes, nombre d’observateurs y voient avant tout une manœuvre politique. À quelques mois d’échéances électorales cruciales, Trump cherche à rassurer les marchés et à redorer son image d’homme d’affaires capable de « deals gagnants ».

Du côté chinois, Pékin obtient un allègement de la pression économique sans renoncer à sa stratégie de puissance. En suspendant ses contrôles sur les terres rares, Xi Jinping gagne du temps pour réorganiser son industrie et consolider son influence sur la chaîne d’approvisionnement mondiale.

Une trêve fragile dans une guerre prolongée

La rencontre de Busan n’a pas mis fin à la guerre commerciale, mais elle a permis un cessez-le-feu diplomatique entre deux géants économiques dont l’interdépendance reste incontournable. Les marchés, de Wall Street à Shanghai, ont salué cette détente, mais les incertitudes demeurent : le protectionnisme américain, la montée des tensions technologiques et les ambitions concurrentes des deux nations sur la scène mondiale laissent présager d’autres confrontations.

La « paix commerciale » signée en Asie est donc une trêve fragile, plus pragmatique qu’idéologique. Pour Trump comme pour Xi, elle offre une fenêtre de respiration mais aucun des deux ne semble prêt à renoncer à la bataille pour le leadership économique mondial.

Hot this week

Un « Consensus politique » pour réorienter la transition haïtienne présenté à Delmas

Par Jean Wesley Pierre PORT-AU-PRINCE, Haïti – Un front...

Pont-Sondé sous l’étau des gangs : la population lance un cri d’alarme

Par Jean Wesley Pierre PONT-SONDÉ, Haïti – le dimanche...

Pierre Raymond Dumas rend hommage à Edmond Paul dans un livre fondateur

Par Jean Wesley Pierre L'écrivain et homme politique haïtien...

Haïti – Afrique : Une Chambre de Commerce pour Bâtir l’Avenir Ensemble

Par Jean Wesley Pierre *La Chambre de Commerce et d'Industrie...

Crise psychologique en Israël : l’onde de choc d’un traumatisme collectif

Par Jean Wesley Pierre TEL-AVIV, le 30 novembre 2025...

Topics

Related Articles

Popular Categories