Par Pierre Josué Agénor Cadet
Haïti, depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui semble condamnée à revivre un même scénario : l’ascension éphémère de gouvernements dits « de transition », censés libérer la République, mais qui finissent par l’enfoncer un peu plus dans le chaos. Plus d’une cinquantaine de ces régimes connus sous diverses appelations( gouvernement provisoire, gouvernement collégial, conseil exécutif de gouvernement, conseil national de gouvernement,conseil présidentiel de transition,etc.) ont jalonné notre histoire, et chacun a laissé derrière lui un pays plus faible, plus divisé, plus vulnérable.
Sous couvert de préparer des élections ou de restaurer l’ordre, ces pouvoirs éphémères se transforment souvent en véritables machines à dilapider les ressources publiques. Directeurs autonomes, Ministres, conseillers, présidents provisoires ou membres de conseils de transition profitent de leur bref passage pour s’enrichir rapidement, comme si l’État n’était qu’un guichet de fortunes instantanées. Ce pillage organisé se fait au détriment des services publics, de l’éducation, de la santé et de l’avenir des générations futures.
Pendant ce temps, l’économie s’asphyxie. Les investissements s’effondrent, les emplois disparaissent, et des contrats louches se signent dans l’ombre, engageant le pays dans des dettes et des accords défavorables pour des décennies. Les puissances étrangères, elles, observent, interviennent, et manipulent. Sous prétexte d’« aider » ou de « stabiliser » la situation, elles imposent leur agenda, dictent des politiques économiques et sécuritaires taillées sur mesure pour leurs intérêts, et s’assurent qu’Haïti reste sous tutelle informelle.
La vérité est brutale : chaque transition ratée est une victoire pour les prédateurs internes et externes, et une défaite pour la nation. Tant que nous accepterons que la gouvernance provisoire soit un permis de piller, tant que nous tolérerons l’absence de comptes à rendre, nous resterons prisonniers d’un cycle d’instabilité qui ne profite qu’à une minorité.
Il est temps de rompre avec cette culture de l’éphémère. Haïti ne se relèvera pas en multipliant les transitions improvisées, mais en bâtissant des institutions solides, respectées et respectables, capables de résister aux ambitions personnelles et aux ingérences étrangères. Sans cela, chaque nouveau gouvernement provisoire ne sera qu’un autre pas vers l’abîme.
Pierre Josué Agénor Cadet