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Rentrée judiciaire 2025–2026 : entre solennité institutionnelle et détresse d’un système à bout de souffle

Par Jean Wesley Pierre

Sous un important dispositif sécuritaire déployé autour du Champ-de-Mars, la rentrée judiciaire pour l’exercice 2025–2026 a été officiellement lancée ce lundi 6 octobre 2025 sur la cour du Palais de cassation. Cette cérémonie a eu lieu en présence du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, du conseiller présidentiel, Emmanuel Vertilaire, du président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), Me Jean Joseph Lebrun, ainsi que de plusieurs hauts magistrats.

Hautement symbolique, elle s’est tenue dans un contexte où le système judiciaire haïtien traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire. Les propos des magistrats présents ont dressé un tableau alarmant : tribunaux vandalisés, juges menacés, infrastructures détruites, et un climat d’insécurité qui gangrène jusqu’aux fondements de la justice.

Etat d’urgence judiciaire

Dans son rapport annuel, le président du CSPJ, Jean Joseph Lebrun, a dressé un bilan sombre du système judiciaire haïtien qui est état d’urgence. Malgré les quelques progrès tels la formation pour les nouveaux magistrats, la création de six (6) nouveaux tribunaux, le système judiciaire peine à fonctionner normalement à cause de l’insécurité et du manque de moyen.

Actuellement le système ne dispose que de 5,5 juges pour chaque 100 000 habitants; ce qui rend encore plus difficile l’accessibilité à la justice. Il dénonce également le mauvais traitement et les menaces dont les magistrats sont victimes.

Parallèlement, le CSPJ soulève d’autres faiblesses structurelles du système judiciaire haïtien telles :
1- La faible quantité de femmes intégrées dans le système
2-l’utilisation quasi totale du français dans les procès ;
3-La dépendance du système du financement international ;
4- Le faible moyen financier accordé par l’État haïtien, soit 1,5% du budget national.

Une ouverture marquée par des engagements politiques

Dans son discours d’ouverture, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a réaffirmé l’engagement du gouvernement à renforcer les institutions judiciaires.

Accompagné des membres du Conseil présidentiel de transition, dont Lesly Voltaire, Edgard Leblanc Fils, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, le chef du gouvernement a salué « le travail accompli par les autorités judiciaires dans des conditions souvent difficiles », tout en appelant à une responsabilité partagée entre exécutif et judiciaire.

M. Fils-Aimé a mis en avant plusieurs réalisations de l’exercice 2024–2025 :

  1. la création de pôles judiciaires spécialisés,
  2. l’ouverture de nouvelles juridictions à Ouanaminthe et Limbé,
  3. la nomination d’une cinquantaine de parquetiers,
  4. ainsi que le renforcement des bureaux d’état civil à travers le pays.

Il a également annoncé la construction de trois nouveaux centres pénitentiaires d’une capacité totale de 15 000 détenus, considérée comme « une avancée majeure dans la lutte contre l’insécurité et pour l’amélioration des conditions de détention ».

Le Premier ministre a conclu la cérémonie en lançant un appel à « l’unité nationale autour de la justice », la qualifiant de pilier essentiel de la stabilité, de la paix et du renouveau démocratique.

Les vœux du CPT pour les acteurs du système judiciaire

Dans son discours de circonstance, le Conseiller Emmanuel Vertilaire a salué l’engagement de la Cour de Cassation à l’aube de cette nouvelle année judiciaire. évoquant les deux symboles de la justice : « la Balance et le Bandeau », qui représentant l’équilibre et l’impartialité.

Face aux menaces persistantes pesant sur la sécurité publique, il a exprimé, au nom du CPT, le souhait d’une justice plus efficace, essentielle à la survie de la nation. Il formule le vœu «  que cette année soit un passage d’un système critiqué à un système respecté ».

Enfin, Vertilaire réaffirme la détermination du Conseil à soutenir activement tous les acteurs du secteur judiciaire, en vue de favoriser les réformes nécessaires au progrès du pays.

Un espoir fragile

Si la cérémonie s’est déroulée dans le calme, sous haute surveillance policière, elle n’a pas dissipé les doutes qui pèsent sur l’avenir du système judiciaire haïtien.

Entre résignation et espoir, cette rentrée judiciaire 2025–2026 symbolise à la fois la résistance d’une institution éprouvée et la nécessité d’un sursaut national pour sauver ce qui reste du pilier le plus fondamental de l’État de droit en Haïti : la JUSTICE.

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