Mardi 5 août, Me Arnel Rémy a rencontré la presse afin de faire le point sur plusieurs dossiers d’actualité nécessitant, selon lui, l’avis éclairé d’experts et de praticiens du droit.
Affaire Nenel Cassy, la DCPJ outrepasse ses prérogatives
Au cours de son intervention, le professionnel du droit est revenu notamment sur l’arrestation de l’ancien sénateur des Nippes, Nenel Cassy, activement recherché par la Direction Centrale de la Police Judiciaire.
Selon l’avocat militant, la DCPJ semble outrepasser ses prérogatives. En tant qu’organe technique d’enquête judiciaire, elle est habilitée à traiter des dossiers relatifs à la corruption, au vol de véhicules, au trafic illicite de stupéfiants, aux crimes de sang, aux crimes financiers, aux enlèvements et séquestrations, ainsi qu’au trafic d’armes et de munitions, ou encore à l’association de malfaiteurs.
Or, Me Rémy déplore que la DCPJ agisse bien souvent comme une juridiction de jugement, alors qu’elle devrait se limiter à son rôle d’enquêteur sous les directives du commissaire du gouvernement.
Le défenseur des droits humains s’est également exprimé sur le fonctionnement de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), compétente pour mener des enquêtes administratives en cas de suspicion de corruption, notamment pour des faits de détournement de fonds ou de trafic d’influence.
Il a condamné fermement l’intervention récente des enquêteurs de l’ULCC au ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique. Lors de cette perquisition — au cours de laquelle du matériel et plus d’un million de gourdes ont été saisis — Me Rémy rappelle que seule une ordonnance émise par un juge d’instruction permet une telle action en matière d’enquête judiciaire.
Selon lui, l’ULCC, considérée comme un organe de police judiciaire (OPJ), agit souvent en dehors du cadre légal défini par le décret portant création, attributions et fonctionnement de l’institution. Il accuse son directeur, Me Hans Ludwig Joseph, de poser des actes en violation des textes en vigueur.
Une situation carcérale critique
Profitant de la conférence, Me Arnel Rémy a présenté un tableau statistique alarmant sur la situation dans les centres carcéraux du pays.
Il a particulièrement attiré l’attention sur la prison civile de Saint-Marc, où l’organisation qu’il dirige a recensé un taux élevé de détenus souffrant de malnutrition. Des cas de tuberculose et de paludisme ont également été enregistrés ces derniers mois.
Sur un total de 549 détenus incarcérés à Saint-Marc, seulement 200 ont été jugés et condamnés. Les autres attendent d’être entendus par leur juge naturel, mais aucune avancée n’est possible en raison de l’insécurité grandissante dans le département de l’Artibonite, a-t-il expliqué.
La situation n’est guère meilleure à Jacmel, où l’organisation de défense des droits humains CADDHO a déploré 15 décès, ainsi qu’à Petit-Goâve, où 5 morts ont été enregistrés, tous liés à la malnutrition, selon les rapports.
La quasi-totalité des prisons civiles du pays — notamment à Jérémie, Jacmel, Petit-Goâve, Saint-Marc et Port-au-Prince — sont confrontées à des conditions de détention inhumaines. Les détenus n’ont pas accès, ou très difficilement, à une alimentation adéquate, à l’eau potable, aux soins de santé, ni même aux toilettes.
Le Centre d’Analyse des Droits de l’Homme (CADDHO) déplore l’inaction de la Direction de l’Administration Pénitentiaire (DAP), qu’il accuse d’avoir failli à sa mission. Face à cette situation dramatique, l’organisation lance un appel urgent aux autorités afin qu’elles se rendent elles-mêmes dans les prisons civiles du pays pour évaluer la situation et y apporter des solutions concrètes et durables.
Jacques Innocent


