L’Assemblée nationale française a adopté, jeudi 5 juin, une résolution inédite appelant à l’étude d’un processus de restitution de la « double dette » imposée à Haïti au XIXe siècle. Le texte invite l’État à reconnaître l’injustice historique, à envisager des réparations et à soutenir des initiatives mémorielles communes.
À l’occasion de la journée réservée au groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), les députés ont voté une proposition de résolution visant à « étudier le processus de restitution de la double dette », infligée à Haïti après son indépendance. Le texte a été adopté par 53 voix contre 9, les oppositions provenant principalement des rangs du Rassemblement national (RN) et de son allié, le groupe UDR.
Cette résolution, bien que non contraignante, appelle le gouvernement à reconnaître l’injustice subie par Haïti, à en mesurer les conséquences persistantes et à envisager une démarche de justice réparatrice. Elle propose notamment la création d’une commission indépendante et le soutien aux initiatives franco-haïtiennes, axées sur la mémoire et la réparation.
Pour mémoire, l’origine de cette dette remonte au 17 avril 1825, lorsque le roi Charles X impose à Haïti, nouvellement indépendante depuis 1804, le paiement de 150 millions de francs-or – une somme ensuite réduite à 90 millions en 1838 – en échange de la reconnaissance de son indépendance. Sous la menace militaire, la jeune république caribéenne s’endette lourdement auprès de banques françaises pour honorer ce paiement, provoquant un fardeau économique durable. Le remboursement s’est étalé jusqu’en 1952.
Le 17 avril dernier, le président Emmanuel Macron avait annoncé le lancement d’un travail de mémoire via la mise en place d’une commission franco-haïtienne pour évaluer l’impact de cette indemnité. Toutefois, il s’était gardé de mentionner explicitement la question des réparations financières, qui reste un sujet sensible dans les sphères diplomatiques.
La question n’est pas nouvelle. En 2003 déjà, l’ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide avait estimé à 21,7 milliards de dollars le montant de la « double dette » que la France devrait restituer à Haïti.
Lors des débats parlementaires, le ministre chargé de la Francophonie, Thani Mohamed Soilihi, a émis un avis de sagesse, signalant l’ouverture du gouvernement au débat sans s’y engager pleinement.
À l’opposé, le député RN, Emeric Salmon, a vivement critiqué la proposition, mettant en garde contre « un précédent dangereux » qui pourrait, selon lui, encourager d’autres nations à exiger réparation pour des injustices historiques, menaçant ainsi, selon ses termes, « l’équilibre diplomatique et économique mondial ».
Cette résolution marque une étape importante dans la reconnaissance des torts historiques envers Haïti. Reste à voir si elle débouchera sur des engagements concrets de la part de l’exécutif français.
Avec La 1ere France Info