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Le Gouvernement collégial des 22 : Une transition cruciale dans l’histoire politique haïtienne

Par Pierre Josué Agénor Cadet

Le 20 mars 1867 marque une date charnière dans l’histoire politique haïtienne. À la suite de la démission du président Fabre Nicolas Guillaume Geffrard, contraint de quitter le pouvoir après plus de huit ans de règne contesté, la nation s’enfonce dans une période d’incertitude. C’est dans ce contexte de vide institutionnel et de tensions politiques profondes qu’émerge un gouvernement provisoire inédit : un Conseil exécutif de 22 membres, connu sous le nom de  » gouvernement des 22 « .

La formation de ce gouvernement collégial par l’Assemblée nationale visait à préserver la continuité de l’État, maintenir l’ordre public et organiser, à court terme, l’élection d’un nouveau président de la République. Cette expérience, rare dans l’histoire constitutionnelle haïtienne, reflète autant la crise de leadership que la volonté d’éviter une dictature militaire ou une période d’anarchie.

Composé de figures militaires, de juristes, d’intellectuels et d’administrateurs issus de divers départements du pays, ce conseil avait pour ambition de concilier les forces vives de la nation dans un moment d’extrême fragilité et d’élire dans un court délai le successeur de Geffrard.

Le Conseil exécutif provisoire était composé de Jean Nicolas Nissage Saget, Victorin Chevallier, Victor Dallemand, Charles Archin, Démesvar Delorme, Jean-Baptiste Pierre, Timoléon C. Lhérisson, Michel Domingue, Montès de Saint-Louis, Joseph Laroche, Tancrède Auguste,Louis Dufrénoy, Gédéon Prévost,Benoît Augustin, Élie Dubois, Jean Dumesle, Rameau Estimé, Jacques Faubert, Joseph Lamothe, Maximilien Castera, Numa Augusma et Louis Ethéart. Ce conseil accueille un nouveau membre, Sylvain Salnave, proclamé après son retour d’exil (aux Iles Turques depuis 2 ans) Commandant Supérieur du Département du Nord. Le groupe des 22, paniqué,s’était empressé de ratifier l’acte et s’arrangeait pour le nommer membre du Collégial avec le Cap comme résidence. Le 2 mai 1867, ce dernier, qui avait la ferme résolution de s’emparer du pouvoir suprême, donne sa démission.

Parmi ces 22 hommes , plusieurs allaient jouer un rôle éminent dans la suite de l’histoire nationale . Nissage Saget deviendra président de la République (19 mars 1870- 12 mai 1874), tout comme Michel Domingue (11 juin 1874- 15 avril 1876) et Tancrède Auguste ( 8 août 1912- 2 mai 1913).

Le gouvernement des 22 ne restera en place que trois mois, jusqu’à la légalisation du coup d’État du populaire et populiste Sylvain Salnave à la présidence, le 14 juin 1867, par la Constituante. Toutefois, cette courte période aura permis d’éviter un effondrement de l’appareil d’État, malgré les rivalités internes, les ambitions personnelles et la méfiance persistante entre civils et militaires.

Ce gouvernement, bien que transitoire, est souvent cité par les historiens comme une tentative de gestion collégiale du pouvoir, un compromis entre forces politiques antagonistes, et une réponse improvisée mais efficace à une situation nationale explosive.

En revisitant ce moment peu connu du grand public, comme celui de 1957 quand on on avait un troisième gouvernement provisoire en moins de quatre mois, connu sous le nom de Conseil exécutif de gouvernement (CEG) et composé de 13 membres ( Général Léon Cantave, ex-secrétaire d’État Luc Fouché, avocat et homme politique Grégoire Eugène, Officier supérieur Fernand Magloire, Journaliste Georges Honorat, Administrateur Frédéric Duvigneau, économiste Marc Antoine Buteau, Magistrat André Dumesle, Médecin Jean-Baptiste Romain, Ingenieur Léonce Bernard, ancien ministre Seymour Lamothe, Juriste-écrivain Albert Ethéart et Diplomate-écrivain Stephen Alexis) régnant du 6 avril au 25 mai 1957, il importe de souligner l’importance du dialogue politique et du partage du pouvoir dans les moments de crise politique ou institutionnelle.

Si le gouvernement des 22 n’a pas fondamentalement modifié le cours des événements, Salnave, s’emparant rapidement d’un pouvoir autoritaire, incarne néanmoins une parenthèse de concertation nationale dans un siècle marqué par les révolutions de palais et l’instabilité chronique.

Ce chapitre oublié de notre histoire mérite d’être rappelé, étudié et médité, surtout à la lumière des défis actuels de notre pays en matière de gouvernance et de légitimité démocratique.

Pierre Josué Agénor CADET

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