Par Jean Wesley Pierre
11 octobre 2025 — Le retour du Conseil présidentiel de transition (CPT) au Palais national, jeudi 9 octobre 2025, se voulait un moment fort. Après plus de vingt mois d’absence du pouvoir central dans le centre-ville de Port-au-Prince, l’exécutif a tenu son premier Conseil des ministres dans l’enceinte du Palais, sous haute tension et dans un climat de tirs sporadiques aux alentours. Derrière ce geste hautement symbolique, trois décisions majeures ont été annoncées : l’adoption du budget 2025-2026, l’abandon du projet de nouvelle constitution et la réorganisation du mandat du Conseil électoral provisoire (CEP).
Un retour symbolique, mais fragile
Ce déplacement du pouvoir au cœur du Champ-de-Mars, autrefois verrouillé par la violence, vise avant tout à projeter l’image d’un État qui tente de se réaffirmer. Mais le symbole ne masque pas la réalité : la zone reste instable, et la peur, omniprésente. Le retour du gouvernement au Palais national, même sous escorte et protection renforcée, ne signifie pas que le pouvoir ait véritablement repris le contrôle du territoire. Il illustre plutôt la fragilité d’un État en quête d’existence physique autant que politique.
L’abandon d’un projet controversé
L’exécutif a décidé d’abroger le décret de juillet 2024 instituant la conférence nationale et d’annuler le décret référendaire du 24 juin 2025. Cette décision met fin à un processus qui suscitait de fortes réticences au sein de la société. Le comité de pilotage chargé de proposer une nouvelle constitution a vu son mandat révoqué.
Cet abandon peut être lu comme une reconnaissance implicite de l’impasse politique dans laquelle ce projet s’était enfoncé. Après plusieurs mois de tensions, le (CPT) conseil présidentiel de transition semble vouloir apaiser les critiques et rediriger l’attention vers des priorités plus urgentes, notamment la gestion du pays et la préparation d’élections promises, mais toujours sans calendrier.
Des élections promises, mais toujours sans horizon
Dans son communiqué, le CPT réaffirme sa volonté d’organiser des élections « libres, crédibles et transparentes ». Pourtant, aucune date, aucun plan, aucun mécanisme clair n’a été communiqué. Ce flou, qui perdure à quatre mois de la fin théorique du mandat du Conseil présidentiel (fixée au 7 février 2026), alimente les doutes quant à la faisabilité réelle d’un retour à l’ordre constitutionnel dans les délais.
Le CEP, dont le mandat doit être « réorganisé », demeure une structure fragile, marquée par la méfiance et les remaniements successifs. En l’absence d’un calendrier électoral ou d’un plan logistique clair, cette réaffirmation du processus démocratique ressemble davantage à une posture politique qu’à un engagement opérationnel.
Un virage stratégique, mais sous pression
L’adoption du budget 2025-2026, d’un montant de 345 milliards de gourdes, marque une autre étape du Conseil des ministres. Ce budget, en hausse par rapport à l’exercice précédent, symbolise la volonté du gouvernement de relancer la machine administrative. Mais cette relance reste théorique tant que les institutions, les recettes fiscales et la stabilité sécuritaire ne sont pas rétablies.
Le CPT, en enterrant le projet de nouvelle constitution, cherche à se repositionner sur le terrain du consensus national. Cependant, sans résultats tangibles en matière de sécurité et sans feuille de route électorale crédible, cette décision risque de n’apparaître que comme un répit politique, plutôt qu’un tournant.
Un pouvoir face à ses contradictions
En apparence, le retour au Palais et l’abandon du projet constitutionnel traduisent une volonté d’apaisement. En profondeur, ils révèlent surtout l’isolement d’un pouvoir confronté à ses propres limites.
Le CPT n’a pas encore réussi à établir un dialogue structuré avec les forces vives du pays, ni à inspirer la confiance d’une population épuisée par les promesses sans lendemain.
La décision d’annuler le processus constitutionnel marque peut-être la fin d’un chapitre controversé, mais elle ne répond pas à la question essentielle : comment sortir durablement de la transition ?
Sans vision claire, sans calendrier électoral et sans reprise réelle du contrôle territorial, le pouvoir actuel risque de s’enfermer dans le même cycle de gestion temporaire que ses prédécesseurs.
Le retour au Palais national restera donc, pour l’instant, un symbole fort, mais creux d’un État qui tente d’exister encore dans un pays où la République peine à se faire entendre.


