Alors que l’échéance de son mandat arrive bientôt à terme, l’avenir du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) en Haïti serait déjà compromis. Conçu pour stabiliser un pays en proie à une crise multiforme, ce collège dirigeant de neuf membres peine à convaincre, tant sur le plan national qu’international. De plus en plus critiqué pour son inefficacité, sa légitimité vacille sous le poids d’une opinion publique désillusionnée, d’une société civile de plus en plus bruyante, et de partenaires régionaux qui reprennent langue pour évoquer « l’après-CPT ».
*Une confiance populaire qui s’érode rapidement*
À peine installée, la structure transitoire censée incarner un consensus national s’est heurtée à une vague de désapprobation. Plusieurs acteurs de la société civile dénonçant alors un manque de clarté dans les décisions, une absence de résultats tangibles et un fonctionnement trop opaque, parfois parasité par les querelles d’égos entre les membres.
La voix du Révérend Père Verdieu Joassaint, figure respectée du diocèse de Jérémie, illustre bien ce climat de méfiance. Dans un sermon devenu viral, le prêtre n’a pas mâché ses mots : « Ce Conseil n’a ni boussole morale ni vision politique. Il donne l’impression d’être là pour gérer des intérêts privés au lieu de servir l’intérêt général ». Cette sortie, bien que sévère, trouve un écho grandissant parmi les croyants et les fidèles de diverses confessions.
*L’implication régionale relancée : CARICOM et OEA reprennent la main*
Sur le plan diplomatique, les discussions autour de la transition haïtienne reprennent de plus belle. Après une période d’observation, les partenaires régionaux, notamment la CARICOM et l’Organisation des États Américains (OEA), multiplient les consultations.
Selon des sources diplomatiques, les deux instances envisagent sérieusement une restructuration de la transition, voire une sortie anticipée du CPT. Au cœur des discussions : la possibilité de nommer une figure unique de transition ou d’élargir l’accord politique à de nouveaux acteurs absents du processus initial, notamment du secteur religieux, du monde académique et des collectivités territoriales.
*Une transition à bout de souffle ?*
Loin d’inspirer l’espoir, le Conseil Présidentiel de Transition semble aujourd’hui incarner l’impasse. L’absence d’un calendrier électoral clair, la gestion floue des urgences sécuritaires, et le silence prolongé sur les réformes attendues alimentent la frustration. Même au sein du CPT, des signes de tension émergent, certains conseillers évitant les apparitions publiques ou exprimant leur désaccord à demi-mot.
Pour beaucoup, le sentiment dominant est celui d’un rendez-vous manqué. Le peuple haïtien, fatigué d’attendre des changements depuis des décennies, voit dans ce nouveau blocage un énième recul. Et à mesure que les voix critiques se multiplient, le mot « révision » — voire « remplacement » — revient très souvent dans les cercles diplomatiques et politiques.
*Une transition en transition ?*
Le Conseil Présidentiel de Transition devait représenter un tournant dans la reconstruction de l’État haïtien. Mais entre tensions internes, rejet populaire croissant et pression internationale, il donne aujourd’hui l’impression de compter ses jours.
Si le CPT veut éviter une fin prématurée, il lui faudra urgemment restaurer la confiance, définir un cap clair et surtout faire preuve d’un sursaut politique. À défaut, c’est une autre étape de la transition haïtienne qui pourrait bien être écrite… sans lui.
Car c’est la chronique de la transition permanente qui se poursuit.
Par Gesly Sinvilier