Déjà incarcéré, Gamall Augustin voit son dossier s’alourdir. Dans un rapport d’enquête de sept pages remis à la presse le 26 septembre 2025, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) détaille une série d’actes de corruption présumés commis durant sa gestion à la tête de la Télévision Nationale d’Haïti (TNH).
L’enquête a été déclenchée après une pétition signée par plus de 6 000 citoyens et transmise à l’ULCC le 21 février 2025. Mandatée par le directeur général Hans Jacques Ludwig Joseph, une commission spéciale a épluché des documents de la TNH, du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et d’institutions bancaires, couvrant la période d’octobre 2016 à février 2025. Elle a également auditionné plusieurs cadres, dont l’ex-directeur Gamall Augustin, le directeur administratif Halem Michel, le directeur technique Jean Yvon Auguste et la présidente de la commission de restructuration Marie Sandra Duvivier.
Abus de fonction et hébergement illégal
L’ULCC accuse Gamall Augustin d’avoir hébergé et branché des antennes d’autres médias sur le site d’État de Boutilliers. Kingdom FM, Vlaw FM, Zoom FM, Banbòch TV et Radio Télé Monopole auraient ainsi profité d’installations publiques.
Lors de son audition, Gamall Augustin a reconnu être copropriétaire de Banbòch TV et avoir reçu en novembre 2023 un chèque de 4 000 dollars US de Radio Monopole pour « achat et installation de matériels »; ce qui constitue un abus de fonction au regard des lois régissant la TNH.
Prise illégale d’intérêt
En 2021, un contrat entre la TNH et la compagnie NATCOM prévoyait l’installation d’une connexion Internet dans un site censé appartenir à la télévision publique, à Fort-Jacques. L’ULCC a découvert que cette connexion a été installée au domicile personnel de Gamall Augustin, démontrant un conflit d’intérêts flagrant et une prise illégale d’intérêt.
Faux en écritures publiques et détournements
L’enquête révèle de graves manipulations dans la gestion des cartes de débit destinées au personnel : ajout et retrait de bénéficiaires, gonflement ou réduction injustifiée des montants, falsification de réquisitions adressées à la Banque Nationale de Crédit.
Les irrégularités relevées sur les mois d’octobre, décembre 2024 et février 2025 totalisent près de 5,96 millions de gourdes. Halem Michel, administrateur de la TNH, a admis avoir falsifié les documents, affirmant avoir agi sur ordre de Gamall Augustin, qui lui-même a encaissé 500 000 gourdes, bien au-delà du montant prévu de 35 660 gourdes.
La gestion du carburant est tout aussi compromettante : entre 2016 et 2025, plus de 75,37 millions de gourdes ont été dépensés pour alimenter des sites, dont certains, comme celui de Bijou, étaient inactifs depuis 2022, entraînant un détournement massif de fonds publics.
Responsabilités et recommandations
Pour l’ULCC, ces pratiques constituent des infractions d’abus de fonction, prise illégale d’intérêt, faux en écritures publiques et détournement de biens publics. L’institution recommande : un audit complet de la période de gestion de Gamall Augustin, une renégociation du contrat avec la NATCOM, la mise en place d’une grille salariale et d’une cellule juridique à la TNH.
Sur le plan judiciaire, l’ULCC exige la mise en mouvement de l’action publique contre Gamall Augustin pour l’ensemble des infractions citées, ainsi que contre Halem Michel, poursuivi pour faux en écritures publiques et complicité de détournement.
Ce rapport, qui vient s’ajouter à la détention déjà en cours de l’ex-directeur de la TNH, met une nouvelle fois en lumière les dérives de la gestion publique en Haïti et place désormais la justice devant ses responsabilités.
La rédaction


