À Thomas Lalime et Enomy Germain qui croient encore aussi !
(Depuis quelque temps, le narratif semble porter sur la fin de la loi HOPE comme si c’était la fin du monde.) Pourtant, il existe aujourd’hui de nouveaux paradigmes pour penser autrement le développement. Ces lignes s’inscrivent dans une perspective d’un faire autrement (Touraine, 2007).
- La fin de la loi HOPE : un signal d’alarme pour l’économie haïtienne
Adoptée en 2006 par le Congrès américain, la loi HOPE (Haitian Hemispheric Opportunity through Partnership Encouragement) visait à stimuler les exportations haïtiennes vers les États-Unis, notamment dans le secteur textile. En offrant des exonérations de droits de douane, elle visait à créer des emplois, attirer les investissements étrangers et soutenir la croissance économique en Haïti (Eugène, 2018). Son prolongement, la loi HELP (Haiti Economic Lift Program), étendit ces avantages afin de consolider le secteur manufacturier haïtien. Cependant, en 2025, ces mesures préférentielles n’ont pas été renouvelées par le Congrès américain, mettant en péril près de 90 % des exportations haïtiennes vers les États-Unis et des dizaines de milliers d’emplois (Haïti Libre, 2025).
La non-reconduction de la loi HOPE marque un tournant pour Haïti. Cette loi, bien qu’essentielle au maintien de l’industrie textile, reposait sur une dépendance structurelle à des décisions extérieures. En d’autres termes, le modèle de développement haïtien, fortement adossé à des mécanismes d’aide ou à des préférences commerciales, demeure vulnérable aux évolutions politiques internationales (Better Work Haiti, 2024). Cette dépendance révèle les limites d’un modèle économique extraverti qui peine à créer une base productive nationale durable.
- Le développement endogène : une alternative nécessaire !
Dans un contexte mondial instable, marqué par les guerres commerciales, les crises climatiques et la redéfinition des chaînes de valeur, il devient impératif pour Haïti de se tourner vers un modèle de développement endogène. Ce paradigme repose sur la mobilisation des ressources internes : capital humain, innovation locale, institutions efficaces et marchés régionaux (Romer, 1990). La théorie de la croissance endogène soutient que la prospérité durable résulte d’investissements dans le savoir, la technologie et la productivité interne, plutôt que d’aides externes volatiles.
Pour Haïti, cela implique de renforcer l’éducation technique, de valoriser l’agriculture, de développer les PME et de créer des pôles de compétences locaux. Le développement endogène ne signifie pas l’isolement, mais une meilleure maîtrise des leviers internes avant toute ouverture commerciale. Il s’agit de produire localement pour consommer et d’exporter avec valeur ajoutée, tout en construisant un tissu économique résilient.
- Que faire après la loi HOPE ?
La disparition de HOPE doit être perçue comme une occasion de réinventer la politique économique nationale. D’abord, Haïti doit diversifier son économie au-delà du textile en stimulant les secteurs agricoles et culturels, ainsi que l’artisanat et les industries légères. Ensuite, il est essentiel de consolider les institutions économiques et de favoriser la transparence pour attirer les investissements locaux. La diaspora, acteur clé du financement national, doit être mobilisée au sein de cette stratégie au moyen d’incitations fiscales et des projets de codéveloppement (Casimir, 2020). Enfin, la diplomatie économique haïtienne doit s’orienter vers des partenariats régionaux, notamment dans la Caraïbe et en Amérique latine, afin de créer de nouveaux débouchés.
Conclusion
La non-reconduction de la loi HOPE n’est pas la fin d’un cycle, mais le début d’un nouveau paradigme. Haïti doit rompre avec une dépendance structurelle aux mécanismes d’aide extérieure et investir dans son propre potentiel. Miser sur le développement endogène, c’est croire en la capacité du pays à produire, innover et se régénérer par lui-même. L’avenir d’Haïti dépend moins des préférences tarifaires étrangères que de la volonté nationale de bâtir une économie inclusive, résiliente et autonome.
Références
- Better Work Haiti. (2024). Rapport sur l’impact de la loi HOPE. https://betterwork.org/haiti
- Casimir, J. (2020). La culture opprimée. Port-au-Prince : C3 Éditions.
- Eugène, W. (2018). Les préférences commerciales unilatérales et les économies fragiles. Université du Québec à Montréal.
- HaïtiLibre. (2025, septembre). Loi HOPE/HELP : inquiétude dans le secteur textile. https://www.haitilibre.com
- Romer, P. (1990). Endogenous Technological Change. Journal of Political Economy, 98(5), 71–102.
- Touraine, A. (2007). Penser autrement. Fayard ed.
Yves Lafortune, Fort Lauderdale, le 19 octobre 2025


