Par Pierre Josué Agénor Cadet
À la suite de la décision du gouvernement américain d’exiger le départ immédiat de plusieurs diplomates haïtiens en poste depuis plus de dix ans aux États-Unis, certains de mes étudiants en relations internationales au Centre d’Études Diplomatiques et Internationales (CEDI) m’ont posé une question pertinente relative à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et au principe de rotation du personnel diplomatique.
Selon une note publiée récemment, le gouvernement américain, dans une lettre adressée au ministère haïtien des Affaires étrangères, aurait reproché à l’État haïtien de ne pas respecter le principe de rotation prévu par la Convention de Vienne. En conséquence, Washington aurait exigé le départ immédiat de plusieurs diplomates haïtiens accrédités aux États-Unis, sous peine d’être déclarés personae non gratae.
Épurer la diplomatie haïtienne, gangrenée par le clientélisme politique, le népotisme et l’incompétence, constitue effectivement une urgence nationale, surtout lorsque de jeunes diplômés en relations internationales demeurent au chômage. Toutefois, cette décision du gouvernement américain met surtout en lumière la faiblesse structurelle de la diplomatie haïtienne, souvent décriée pour ses pratiques de corruption, d’inefficacité et de manque de professionnalisme.
Analyse de la Convention de Vienne
Après une relecture attentive du texte intégral de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, signée le 18 avril 1961 et entrée en vigueur le 24 avril 1964, il apparaît que le principe de rotation du personnel diplomatique n’est pas explicitement énoncé dans le document. Cependant, il découle implicitement de plusieurs dispositions fondamentales relatives à la nomination, à la fonction et à la cessation des fonctions des agents diplomatiques.
Le principe de rotation repose sur le fait que les agents diplomatiques sont nommés par l’État d’envoi et accrédités auprès de l’État de résidence pour une durée non permanente. Ces agents n’ont donc aucun droit acquis à occuper un poste particulier : leur présence dépend exclusivement de la volonté de l’État accréditant.
Conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, l’État accréditant doit obtenir l’agrément de l’État accréditaire avant la nomination d’un diplomate. Cette procédure suppose que la désignation d’un représentant peut varier selon les besoins politiques, diplomatiques ou administratifs de l’État d’envoi.
Par ailleurs, la Convention prévoit plusieurs cas de cessation de fonctions. Les fonctions d’un agent diplomatique prennent fin notamment lorsque l’État accréditant notifie à l’État accréditaire la fin de sa mission, ou lorsque l’État de résidence refuse de continuer à le reconnaître comme membre de la mission. Selon l’article 9 de la Convention, « l’État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, notifier que tel membre de la mission n’est plus acceptable ».
Cette disposition consacre la souplesse et la mobilité inhérentes à la carrière diplomatique, et, par extension, renforce l’importance du principe de rotation.
Importance du principe de rotation
Une diplomatie moderne et efficace repose nécessairement sur la rotation périodique du personnel. Ce principe permet d’éviter la routine et l’usure professionnelle, de maintenir la vigilance, la motivation et l’efficacité des agents diplomatiques. Il garantit également la loyauté envers l’État d’envoi : en changeant régulièrement de poste, le diplomate limite le risque de tisser des liens trop étroits avec le pays hôte, susceptibles de compromettre sa neutralité.
La rotation contribue aussi à la formation d’un corps diplomatique compétent et polyvalent, capable de s’adapter à divers contextes politiques, économiques et culturels. Elle permet, enfin, d’assurer une représentation plus dynamique et plus cohérente avec les orientations changeantes de la politique étrangère de l’État.
La Convention de Vienne de 1961 n’impose aucune durée fixe pour l’affectation des diplomates. Chaque État demeure libre d’établir ses propres règles en la matière. Toutefois, en pratique, la durée moyenne d’une mission diplomatique varie généralement entre trois et cinq ans. Les ministères des Affaires étrangères appliquent ce principe de rotation dans le cadre de la gestion des carrières diplomatiques, afin d’assurer la compétence, la mobilité et la loyauté de leurs représentants à l’étranger.
Pierre Josué Agénor Cadet
Professeur d’introduction à la science politique et d’histoire moderne et contemporaine à
Université


