Par Gedeon Delva
Le comité de pilotage de la Conférence nationale, a remis le mercredi 21 mai dernier au Conseil Présidentiel de Transition et au Gouvernement l’avant-projet de la nouvelle Constitution de la République. Selon sa teneur, ce document entend refonder les institutions haïtiennes à partir d’un État plus stable et plus efficace. Cependant pour plusieurs critiques, le document présenté aux autorités de l’exécutif ne résout aucun problème, au contraire il contient des
incohérences.
Un retour en arrière
Ancien conseiller du président Jovenel Moïse, Guichard Doré qui soutenait toujours la démarche critique vivement cet avant projet de constitution. Pour lui, il n’y a aucune évolution, c’est plutôt la régression. Il ne prend pas en compte les réflexions déjà produites à ce sujet.
« J’ai lu l’avant projet de constitution présenté par le comité de pilotage au conseil de transition. Mon premier constat est qu’il n’y a aucune évolution. C’est la régression», a déclaré M Doré tout en indiquant que ce projet ne charie pas les vraies revendications populaires et ne correspond pas à la réalité.
Pour étayer ses dires, il évoque les articles relatifs à l’élargissement du rôle du président de la République qui, désormais, aura à choisir ses ministres. Donc il est devenu également le chef du gouvernement. Cependant on maintient le poste de premier ministre. Guichard Doré estime qu’on devrait le supprimer.
Le Président de la République est le Chef de l’État. Il est également le Chef du Gouvernement » (article 143). Il « nomme les ministres et met fin à leurs fonctions » (article 144), tandis que « le Premier ministre […] l’assiste dans la coordination de l’action gouvernementale » (article 145). En cas d’empêchement temporaire, « le Conseil des ministres sous la présidence du Premier ministre […] exerce le pouvoir exécutif tant que dure l’empêchement » (article 159). En cas de vacance, « le Premier ministre le remplace et finit le mandat présidentiel » (article 161).
De la magistrature
D’autres anomalies soulignées par M Doré c’est la question de la nationalité qui est galvaudée, l’exlusion de la diaspora et une dictature frangrante constatée dans la magistrature. Il parle de nomination des juges au lieu de les élire comme le recommande le document soumis au CPT et au gouvernement.
Il suggère qu’on supprime le conseil supérieur du pouvoir judiciaire pour le remplacer par le « conseil supérieur de la magistrature».
De son coté, le professeur de droit, Fatilnor Douyon croit que c’est un excellent travail intellectuel réalisé par le comité de pilotage. Toutefois, il estime que cet avant projet de constitution déséquilibre les pouvoirs de l’Etat. Comme M Doré, Me Douyon souligne que le document consolide le pouvoir exécutif, le rend plus fort en supprimant le pouvoir de contrôle du parlement. «Selon le document, seul par devant la haute cour de justice qu’on peut intenter des actions contre le président de la président de la République.
Le professeur de droit constitutionnel appelle plutôt à un État equilibré. « Le rapport du président, au regard de l’avant projet, avec le pouvoir judiciaire n’est pas equilibré», a souligné M Douyon.
En ce qui concerne les collectivités territoriales et les divisions administratives, l’homme de loi estime qu’il y a des avancées dans certains cas. Selon lui, la constitution devrait donner la prérogative aux départements de rédiger leur propre budget en fonction de leurs besoins au lieu du pouvoir central. «Tant qu’on arrive pas à ce point le centralisme devient plus fort». a-t-il déclaré.
L’article 81 dispose que « chaque département est administré par un gouverneur élu au suffrage universel pour une durée de cinq (5) ans. Il est indéfiniment rééligible. » Les chefs-lieux de commune et les sections communales deviennent désormais, en vertu de l’article 65-1, des communes à part entière.
L’article 96-1 fixe désormais à deux (2) le nombre de sénateurs par département, contre trois auparavant. Le renouvellement du Sénat est intégral tous les cinq (5) ans (article 97-3), tout comme pour la Chambre des députés (article 94-3).
Du cycle des élections
Le texte révise les conditions d’éligibilité à plusieurs postes. Selon l’article 141, « pour être élu Président de la République d’Haïti, il faut […] être âgé de trente (30) ans accomplis au jour des élections. » Par ailleurs, « pour être Maire de la commune, il faut : […] être âgé de vingt-et-un (21) ans accomplis » (article 68-1), et « pour être élu à la Chambre des députés, il faut : […] être âgé de vingt-et-un (21) ans accomplis » (article 93). Quant au Sénat, l’article 98 précise : « être âgé de vingt-cinq (25) ans accomplis ».
Mais la soumission de cet avant-projet aux autorités au niveau de l’exécutif ne constitue encore que la boucle est bouclée. Il faudra une vaste campagne de sensibilisation et d’appropriation populaire, afin que les citoyennes et citoyens comprennent les contours, les enjeux et les innovations de ce texte.
Dans un pays où les incertitudes politiques forment un terreau instable, rien ne garantit que cette initiative constitutionnelle ne se transforme pas en un coup d’épée dans l’eau.