Par Jean Venel Casséus
Peut-être à trop vouloir bien faire, ou à trop vouloir paraître, sinon simplement à vouloir être, Joverlain Moïse est en train d’achever tristement tout ce qui aurait pu rester comme capital de sympathie pour son père, le feu président assassiné Jovenel Moïse. Ce capital, fragile mais encore perceptible dans certaines couches de la population, risque désormais de s’effriter au rythme des apparitions calculées et des discours enflammés du fils.
Pour marquer les quatre ans de l’assassinat du président, survenu le 7 juillet 2021, Joverlain multiplie les sorties médiatiques à travers les réseaux sociaux et les plateaux d’interview: en veux-tu, en voilà! Mais au lieu de rendre hommage avec dignité ou d’exiger justice avec gravité, il semble instrumentaliser la tragédie pour s’inventer un récit personnel, une espèce d’épopée à la James Bond dans laquelle il devient l’héritier traqué, le jeune homme providentiel, le dernier rempart contre l’impunité.
Loin d’un combat judiciaire structuré ou d’une mobilisation populaire authentique, Joverlain met en scène sa propre version des faits, accumulant insinuations, demi-vérités et envolées lyriques, parfois jusqu’au ridicule. Il se veut héros solitaire, quitte à reléguer au second plan la vérité judiciaire, la douleur de la famille, ou la mémoire d’un père encore loin d’être réhabilité dans l’Histoire. En cherchant à écrire sa propre légende, il dilue l’exigence de vérité dans le sensationnalisme.
Ce comportement narcissique, où l’émotion est surjouée et le discours politiquement creux, finit par susciter un malaise croissant. Car au fond, que propose Joverlain Moïse ? Quelle stratégie, quelle alliance, quelle lecture politique fait-il de l’après-Moise ? Rien, si ce n’est une répétition constante de son propre rôle de fils endeuillé devenu « cible à abattre », sans que jamais il ne démontre en quoi il dérange, qui il accuse formellement, ni quelle justice il réclame exactement.
À force de trop en faire, Joverlain Moïse risque de tout gâcher. Il transforme le deuil en théâtre, la revendication de justice en quête de notoriété. Là où il aurait pu incarner la décence, la continuité d’un combat ou même la retenue silencieuse, il devient un personnage ambigu, plus attaché à son image qu’à la vérité. Et ce faisant, il est sur le point d’achever son papa : non par haine, mais par excès de mise en scène. Il manque peut-être un Psy dans la cité.
Washington DC, 17 Juillet 2025.