vendredi, octobre 24, 2025
6.9 C
Londres

Haïti – Transition politique: la CARICOM est retour

Par Jean Wesley Pierre

Port-au-Prince, 22 Octobre 2025 — À moins de quatre mois du terme officiel du mandat du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), le climat politique haïtien entre dans une phase de recomposition accélérée. Les principales forces partisanes, jusque-là divisées ou attentistes, s’activent désormais pour définir les contours de « l’après 7 février 2026 ». Dans les coulisses du pouvoir comme dans les chancelleries étrangères, le constat est unanime : le départ du CPT semble désormais inéluctable.

Mis en place en avril 2024 sous l’égide de la CARICOM, le ( CPT ) conseil présidentiel de transition devait stabiliser la situation, rétablir la sécurité et conduire le pays vers des élections crédibles. Dix-huit ( 18 ) mois plus tard, le bilan est désastreux.

La violence s’est intensifiée dans l’Ouest et l’Artibonite, les bandes armées contrôlent de larges portions du territoire, et les institutions étatiques se sont davantage effritées. « Les membres du CPT tâtonnent depuis leur installation, pendant que la situation empire de jour en jour », confie un membre de la Kominote Pwogresis Ayisyen.

Dans plusieurs quartiers populaires de Port-au-Prince, l’impression dominante est celle d’un pouvoir absent. Comme le souligne le journaliste Robenson Geffrard : « Ou ka santi jan gwoup kriminèl yo gen yon rayisman pwofon pou popilasyon an… », une phrase lourde de sens, qui illustre le divorce complet entre l’État et les citoyens.

Face à cette impasse, plusieurs partis politiques traditionnels dont Fanmi Lavalas, PHTK, KID, OPL, RDNP, UNIR et beaucoup d’autres ont entamé une série de rencontres discrètes ces dernières semaines. Objectif : élargir le consensus et préparer une transition sans le CPT.

Selon les informations recueillies, ces formations politiques se réunissent pour discuter d’un nouveau cadre de gouvernance censé éviter le vide institutionnel du 7 février 2026.

Un dirigeant politique impliqué dans les pourparlers confie :

« Le ( CPT ) conseil présidentiel de transition a échoué, tout comme les signataires de l’Accord du 3 avril. Nous devons penser à une formule de remplacement plus crédible, plus ouverte, et sans les divisions du passé. »

Le 20 octobre 2025, plusieurs figures influentes, dont Liné Balthazar (PHTK), Pasha Vorbe (Fanmi Lavalas), André Michel (SDP/21 Décembre), Alex Larsen (INITE/21 Décembre), Enold Joseph (KID), Rosny Cadet (ASE) et Jean Gué (Vérité), se sont rencontrées à Port-au-Prince pour jeter les bases d’un nouveau front de dialogue.

Le tournant est survenu avec la lettre officielle du Groupe de Personnalités Éminentes (Eminent Persons Group, EPG) de la CARICOM, adressée aux secteurs représentés au sein du ( CPT ) conseil présidentiel de transition. Le document, révélé par Gary Pierre Paul Charles sur son compte X, marque une inflexion majeure dans la crise : la CARICOM reprend la main sur le processus haïtien.

Dans cette correspondance, l’organisation régionale exprime sa « préoccupation croissante » face à l’immobilisme du Conseil et appelle les acteurs politiques et sociaux à soumettre des propositions pour une nouvelle transition.

Les personnalités contactées incluent Maryse Narcisse, André Michel, Claude Joseph, Ted Syndic et Moïse Jean-Charles, autant de figures controversées et de visions divergentes, mais désormais contraintes de converger autour d’un constat commun : le CPT ne peut plus continuer.

En toile de fond, le Conseil Électoral Provisoire (CEP) travaille toujours sur un projet de décret et un calendrier électoral. Mais un proche de Jacques Desrosiers qui est à la tête du CEP affirme :

« Il est pratiquement impossible d’organiser les élections avant février 2026. La sécurité reste le principal obstacle. »

En juin dernier, près de 80 % des centres de vote avaient été évalués, mais de nombreuses zones notamment à Liancourt, L’Estère, La Chapelle et Verrettes demeurent hors du contrôle de l’État. Plus de 78 sections communales n’ont toujours pas été inspectées, notamment dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite.

Autrement dit, la perspective d’un scrutin reste lointaine, renforçant l’idée d’une transition prolongée, voire d’une nouvelle entité exécutive pour assurer l’intérim. André Michel, dit « Avoka Pèp la » a résumé l’état d’esprit général dans un message :

« Face à l’échec du CPT, nous devons relancer les discussions, mais cette fois avec deux exigences : l’inclusion des groupes non représentés et la non-implication des gangs dans le dialogue. »

Cette déclaration traduit à la fois un réalisme politique et une fatigue collective face à la multiplication des « accords de transition » sans résultats tangibles.

À l’approche du 7 février 2026, Haïti entre dans une zone d’incertitude totale. Les partis cherchent à se repositionner, la CARICOM s’impose de nouveau comme arbitre, et la population, épuisée, observe ces tractations avec un mélange de scepticisme et d’indifférence.

Le départ du CPT, désormais considéré comme inévitable, pourrait ouvrir la voie à une reconfiguration profonde de l’échiquier politique haïtien. Mais à condition, cette fois, que le futur organe de transition rompe avec les logiques d’exclusion, de clientélisme et d’improvisation qui ont mené à la paralysie actuelle.

En somme, l’après-CPT ne sera pas seulement une question de calendrier ou de partage du pouvoir, mais un test de maturité politique pour une classe dirigeante. Le 7 février 2026 pourrait ainsi devenir, non pas une simple date de fin de mandat, mais le symbole d’une nouvelle tentative ou d’un nouveau projet de refondation nationale.

Hot this week

Haïti: cinq départements placés en vigilance orange face à la tempête tropicale Melissa

PORT-AU-PRINCE.— La tempête Melissa se renforce dans la mer...

Haïti: Le compte à rebours de la transition a commencé, avertit l’ONU

À moins de quatre mois de la fin du...

ARTIBONITE: LE NOMBRE DES DÉPLACÉS INTERNES SE MULTIPLIE, SELON L’OIM

Les bandes armées opérant dans le département de l'Artibonite,...

Certification des magistrats: Une étape importante vers la crédibilité du système judiciaire, selon l’ANAGH

Cette semaine, le conseil supérieur du pouvoir judiciaire a...

Topics

Related Articles

Popular Categories