Alors que le pays traverse une période critique, le Conseil présidentiel de transition (CPT) semble paralysé par des tensions internes et une avalanche de nominations diplomatiques contestées. Dans une interview exclusive accordée au Nouvelliste, Fritz Alphonse Jean, coordonnateur du CPT, qui n’a réalisé que deux conseils des ministres depuis son ascension le 7 mars 2025, révèle « avoir refusé des centaines de nominations », dénonçant un système clientéliste et une diplomatie surchargée.
Un Conseil paralysé par les luttes de clans
Depuis sa mise en place en avril 2024, le Conseil présidentiel de transition (CPT), censé orienter Haïti vers un retour à la stabilité, semble peiner à fonctionner efficacement. Entre crise de sécurité et une gouvernance en débandade, le peuple haïtien, véritable victime.
Selon Fritz Alphonse Jean, dans une interview accordée au Nouvelliste, ce n’est pas une question d’incapacité technique le fait de ne pas réaliser que peu de Conseil des ministres. Il affirme avoir volontairement freiné les réunions du Conseil pour éviter de légitimer un système de nominations abusives :
« Le Conseil des ministres ne doit pas servir à nommer des directeurs généraux incompétents », a-t-il déclaré.
Toujours selon ses déclarations au Nouvelliste, le coordonnateur du CPT affirme avoir opposé son veto à des centaines de propositions de nominations dans la diplomatie. Il dénonce un réseau clientéliste orchestré par le ministère des Affaires étrangères. « On a nommé des dizaines de personnes dans des ambassades qui ne peuvent en accueillir que 10 ou 15. Le personnel y travaille désormais par rotation », a-t-il fustigé, estimant que ces pratiques ternissent gravement l’image du pays à l’international.
Un ministère des Affaires étrangères au cœur des critiques
Dans cette même interview au Nouvelliste, Fritz Alphonse Jean affirme avoir plusieurs fois dit non à ces nominations pléthoriques, mais que le ministère des Affaires étrangères serait passé outre ses objections. Il évoque des décisions prises « sans concertation », qui mettent à mal l’équilibre diplomatique du pays.
Le ministre Harvel Jean-Baptiste n’a pas répondu aux appels du Nouvelliste pour réagir à ces accusations. Toutefois, selon les informations recueillies par le journal, plusieurs membres influents du CPT, dont les conseillers Louis Gérald Gilles et Smith Augustin, ainsi que le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé auraient référé à eux seuls plus de 90 % des personnes nommées.
Un conseiller présidentiel, interrogé sous couvert d’anonymat, a confirmé cette information tout en précisant : « Je ne suis pas trop bien imbu du sujet. » Quant à Smith Augustin, il a refusé de commenter des accusations anonymes.
Un Conseil divisé en quatre clans
Selon une source au sein du CPT citée par Le Nouvelliste, le Conseil serait désormais fragmenté en quatre blocs aux logiques divergentes :
Le Groupe 1, qualifié de majoritaire, regroupant majoritairement les 3 membres qui ont été épinglés dans le scandale de corruption de la BNC: Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire, Laurent Saint-Cyr, ainsi que le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ;
Le Groupe 2 est composé de Fritz Alphonse Jean lui-même, allié à Leslie Voltaire ;
Le Groupe 3 ne compte qu’un seul membre, Edgard Leblanc Fils, décrit comme une « minorité qualitative » ;
Le Groupe 4 est constitué des deux observateurs, sans pouvoir décisionnel direct.
Cette configuration clanique, révélée dans les colonnes du Nouvelliste, complique gravement les prises de décisions et l’organisation régulière des Conseils des ministres. « Pour les décisions, c’est en effet un peu compliqué pour le moment… », a confié un membre du CPT au journal.
Un mandat en sursis pour Fritz Jean
Toujours selon le Nouvelliste, le mandat de Fritz Alphonse Jean à la tête du CPT devrait prendre fin le 7 août prochain. Mais à quelques semaines de cette échéance, le bilan de sa présidence reste mince : deux Conseils des ministres tenus, peu de décisions structurelles, et une ambiance de méfiance généralisée entre les membres.
Dans un contexte de crise généralisée, alors que les attentes populaires vis-à-vis du CPT étaient grandes, cette impasse institutionnelle illustre les failles profondes d’un modèle de gouvernance rongé par les calculs partisans. Le risque est grand que la transition déraille, faute de volonté politique commune.
Plus de 13 mois pour cette transition, Haïti s’enlise de pire au fond de l’abîme avec des politiques mesquines. Le peuple encore, véritable victime.
Wideberlin Sénexant