Par Jean Wesley Pierre
Port-au-Prince, le 5 novembre 2025. — Après l’incendie criminel qui a ravagé dans la nuit du 1ᵉʳ novembre les locaux de l’Université Soleil d’Haïti (USH), à Turgeau, le président du conseil de l’institution, Me Jean Renel Sénatus, confirme qu’une plainte sera déposée ce mercredi 5 novembre au Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, afin d’exiger l’ouverture d’une enquête criminelle contre les auteurs et complices de cet acte qu’il qualifie de « barbarie contre l’éducation nationale ».
Plainte contre X, mais des soupçons précis
Selon les déclarations de Me Sénatus, la plainte sera portée contre X, les auteurs n’ayant pas encore été officiellement identifiés. Toutefois, il affirme disposer d’informations crédibles pointant vers des individus affiliés à la coalition armée “Viv Ansanm”, déjà citée dans plusieurs rapports de la presse comme active dans la zone métropolitaine.
« Nous n’avons pas encore tous les éléments pour désigner formellement les responsables, mais des témoins ont aperçu des hommes lourdement armés arrivant à moto, identifiés comme membres de cette coalition criminelle », a confié un proche de l’ancien sénateur.
Les enquêteurs devraient entendre dans les prochains jours des témoins directs et victimes de menaces liées à la radio Émancipation FM, hébergée dans le même bâtiment que l’université. Cette station, connue pour son ton critique envers la coalition armée « Viv Ansanm », aurait reçu plusieurs intimidations répétées avant le drame.
Une plainte symbolique mais difficile à faire aboutir
Sur le plan juridique, les chances d’aboutissement de cette plainte demeurent incertaines, voire minimes, selon plusieurs observateurs.
Dans un contexte où l’appareil judiciaire haïtien est paralysé par l’insécurité, le manque de juges et la défaillance du système policier, très peu d’affaires criminelles similaires ont connu un dénouement judiciaire au cours des dernières années.
Cependant, Me Sénatus veut en faire un acte de principe et de résistance, un signal fort adressé à l’État et à la société :
« Nous allons porter plainte » même si nous savons, comme nous l’a rappelé tantôt l’ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Paul Eronce Villard, que la justice haitienne est malade et insiste pour dire que, nous nous devons refuser de normaliser l’impunité.
L’ancien parlementaire haïtien, maître Jean Renel Sénatus assure que l’Université Soleil ne renoncera pas à ses droits et continuera à réclamer vérité et réparation.
Une université sinistrée, mais vivante
Avant le sinistre, l’Université Soleil d’Haïti (USH) comptait environ 600 à 700 étudiants inscrits dans différentes facultés : sciences juridiques, économiques, politiques et sociales. L’institution disposait également d’un personnel académique et administratif d’environ 80 membres, dont plusieurs professeurs d’universités publiques et privées.
Aujourd’hui, l’USH est entièrement détruite. Salles de cours, laboratoires, bibliothèque, studios de radio, tout a été réduit en cendres. Mais selon le rectorat, les activités académiques reprendront rapidement dans un autre local temporaire à Port-au-Prince, le temps de reconstruire le campus.
« Ils ont brûlé nos murs, pas nos idées. On ne brûle pas le Soleil ! » a déclaré Me Sénatus dans un message de résilience diffusé sur les réseaux sociaux.
La destruction de l’Université Soleil représente un coup dur pour l’enseignement supérieur haïtien, déjà ébranlé par la crise sécuritaire et la fuite des cerveaux.
L’USH, créée en 2013, se voulait un espace d’émancipation intellectuelle et citoyenne, ouvert aux jeunes de milieux modestes. Sa disparition temporaire prive des centaines d’étudiants d’un cadre structuré, alors même que plusieurs universités de la capitale ont déjà fermé leurs portes sous la menace des gangs.
« C’est tout un symbole qui s’effondre : celui de la résistance du savoir face à la barbarie », estime un enseignant contacté par la rédaction de Le Relief.
Dans l’attente d’une véritable enquête et d’un soutien des autorités, la communauté universitaire appelle à une mobilisation nationale pour protéger les espaces de savoir.
Le cas de l’Université Soleil d’Haïti dépasse le simple fait divers : il illustre le déclin de la sécurité, la faillite de la justice et la fragilité des institutions éducatives dans un pays où la connaissance devient une cible.
Si la plainte de Me Jean Renel Sénatus a peu de chances de prospérer dans les conditions actuelles, elle demeure un acte de courage symbolique, rappelant que la lumière du Soleil peut vaciller, mais ne s’éteint jamais.


