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Guerre à Gaza : des milliers de Palestiniens fuient, la diplomatie piétine

Par Jean Wesley Pierre

Un tournant diplomatique majeur s’esquisse dans le conflit israélo-palestinien. Dix (10) pays, dont la France, ont annoncé leur intention de reconnaître officiellement un État palestinien lors d’une conférence qui se tiendra lundi 22 septembre 2025, à New York, en marge de la 80eme Assemblée générale de l’ONU.

Cette initiative, révélée par l’Élysée, intervient alors que l’armée israélienne mène une offensive d’une intensité inédite sur la ville de Gaza, provoquant de nouveaux déplacements massifs de population.

Une reconnaissance coordonnée

Selon un conseiller du président Emmanuel Macron, les pays signataires de cette décision sont la France, l’Andorre, l’Australie, la Belgique, le Canada, le Luxembourg, le Portugal, Malte, le Royaume-Uni et Saint-Marin.

Paris, à l’origine de cette initiative, insiste sur le caractère « non hostile » de ce geste envers Israël. « Reconnaître la Palestine n’est pas un acte contre Israël, mais une étape pour relancer une solution à deux États et isoler le Hamas », a déclaré Emmanuel Macron dans une interview accordée à une chaîne israélienne. Le chef de l’État a par ailleurs averti que toute annexion de la Cisjordanie par Israël constituerait une « ligne rouge claire ».

Pour Elias Sanbar, il s’agit d’« une reconnaissance historique ». Il insiste : « Quand vous reconnaissez un pays, vous ne le reconnaissez pas comme un espace vide, vous reconnaissez un espace occupé par son peuple, et donc son existence. »
De son côté, le député israélien Habib a mis en garde la France contre les conséquences d’une telle décision : « Si jamais il y a une reconnaissance d’un État palestinien, Israël ne restera pas les bras croisés ! La réponse principale sera d’étendre la souveraineté juive. Je n’aime pas parler d’annexion. Israël n’annexe pas la Judée, la Judée est une terre juive depuis près de 3 000 ans. »

Intensification des combats à Gaza

Sur le terrain, la situation humanitaire continue de se détériorer. L’armée israélienne affirme avoir entamé une offensive « d’une force sans précédent » sur la ville de Gaza, le plus grand centre urbain de l’enclave palestinienne. Elle appelle la population à évacuer, estimant qu’environ 480 000 personnes ont déjà fui depuis la fin août.

La Défense civile de Gaza, sous l’autorité du Hamas, avance un bilan légèrement différent, évoquant 450 000 déplacés. Samedi, au moins 92 Palestiniens ont été tués, dont 70 dans la ville de Gaza, selon l’agence de presse palestinienne Wafa. L’ONU fait état de 442 décès liés à la faim depuis le début de l’offensive, dont 147 enfants, faute d’accès suffisant à l’aide humanitaire.

Blocage diplomatique à l’ONU

Malgré l’ampleur de la catastrophe humanitaire, le Conseil de sécurité de l’ONU reste paralysé. Jeudi, les États-Unis ont opposé un sixième veto à une résolution réclamant un cessez-le-feu immédiat et l’entrée d’une aide humanitaire d’urgence. « Le monde regarde. Les pleurs des enfants devraient nous percer le cœur », a dénoncé l’ambassadeur pakistanais Asim Iftikhar Ahmad, exprimant la frustration de la majorité des membres du Conseil.

Le représentant d’Israël à l’ONU a, pour sa part, accusé certains pays de transformer la séance en « spectacle ». « Merci d’avoir fait preuve de leadership en opposant un droit de veto à cette résolution biaisée », a-t-il déclaré, tout en attaquant l’Algérie : « L’Algérie préfère miser sur le spectacle que sur la vérité, l’Algérie préfère le spectacle au progrès véritable. »

Il n’a pas mâché ses mots, qualifiant de « théâtre » les initiatives algériennes en faveur de Gaza et accusant Alger de « protéger le Hamas », organisation que le gouvernement israélien qualifie de terroriste.

L’Algérie a vivement réagi, dénonçant des accusations « infondées » qui témoigneraient, selon elle, du mépris d’Israël pour les pays opposés à ce qu’elle qualifie de génocide. Son représentant a rappelé que la résolution était parrainée par les dix membres élus du Conseil et soutenue par quatorze des quinze membres, « représentant l’immense majorité de l’humanité ».

Les États-Unis, seul pays à voter contre, ont estimé que la résolution « ne reconnaît pas le droit d’Israël à se défendre ». La représentante américaine l’a même accusée de « légitimer à tort la propagande du Hamas », le groupe responsable de l’attaque du 7 octobre 2023, à l’origine du conflit actuel. « Cette guerre pourrait prendre fin aujourd’hui si le Hamas libérait les otages et déposait les armes », a affirmé Washington, accusant le mouvement de détourner l’aide humanitaire et « d’instrumentaliser la vie des civils à Gaza afin de détruire Israël ».

La position américaine a été vivement critiquée après le vote. Plusieurs membres du Conseil ont dénoncé les conséquences du veto. Le Royaume-Uni a souligné qu’« un cessez-le-feu est plus que jamais nécessaire », déplorant que « l’expansion téméraire de l’opération militaire israélienne nous éloigne d’un accord qui pourrait ramener les otages chez eux et mettre fin aux souffrances à Gaza ».

Pour sa part, Riyad Mansour, représentant permanent de la Palestine, a accusé Israël de commettre un génocide. « Israël n’a pas le droit de massacrer les Palestiniens. Israël n’a pas le droit de commettre un génocide. Israël n’a pas le droit de procéder à un nettoyage ethnique. Israël n’a pas le droit d’affamer un peuple », a-t-il martelé. Il a jugé que le « silence du Conseil » avait « un coût immense pour sa crédibilité », le veto américain empêchant l’organe d’assumer son rôle de protection des civils.

La France, une décision qui divise

La décision de la France de reconnaître un État palestinien suscite des réactions contrastées. Des organisations juives françaises, dans une lettre ouverte, ont exhorté Emmanuel Macron à conditionner cette reconnaissance à la libération des otages encore détenus par le Hamas.

Parallèlement, plusieurs mairies françaises prévoient de hisser le drapeau palestinien dès lundi, une initiative qui provoque déjà des recours en justice au nom de la neutralité des services publics.

Un geste diplomatique sous haute tension

Alors que les bombardements se poursuivent et que les négociations sont dans l’impasse, la reconnaissance coordonnée de la Palestine par dix pays occidentaux représente un signal politique fort. Reste à savoir si ce geste suffira à relancer le processus de paix, ou s’il accentuera au contraire les tensions avec Israël, qui a déjà mis en garde contre d’éventuelles représailles, notamment en Cisjordanie.

L’Assemblée générale de l’ONU, qui réunira la semaine prochaine plus de 140 chefs d’État et de gouvernement, devrait être dominée par cette annonce, dans un contexte où Gaza reste le théâtre d’une crise humanitaire et diplomatique sans précédent depuis 2023.

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