Alors que des révélations sur les tensions internes au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ont récemment secoué la sphère politique, le conseiller-président Emmanuel Vertilaire est sorti du silence ce 9 juin 2025 sur Twitter. Sa déclaration, chargée de critiques voilées et d’appels à la responsabilité, intervient dans un climat de rivalités croissantes entre membres du Conseil. Cette institution qui, censée guider Haïti vers une sortie de crise, semble sombrer dans ses propres contradictions.
Un article du journal Le Nouvelliste, publié quelques jours plus tôt, a mis à nu l’existence de plusieurs blocs rivaux au sein du CPT, ainsi que des tensions liées à des nominations jugées arbitraires et inefficaces. D’après les informations relayées, Fritz Jean, président actuel du Conseil, aurait exprimé son malaise face aux choix de certains de ses collègues et à la gouvernance désordonnée de l’institution.
Il dénonce notamment la « nomination massive d’incompétents » et justifie la tenue rare des Conseils des ministres – seulement deux jusqu’à présent depuis trois mois, date de son investiture 7 mars dernier – comme un choix stratégique pour éviter que ces réunions ne deviennent de simples plateformes de validation de quotas politiques. Pourtant, il devrait passer la commande à Laurent Saint-Cyr le 7 août prochain.
Vertilaire réplique : un message ciblé mais voilé
C’est dans ce contexte de tensions que le conseiller Emmanuel Vertilaire, représentant de Pitit Desalin, a publié un message fort sur Twitter. Sans nommer qui que ce soit, il renvoie dos à dos ceux qu’il accuse de faire passer leurs ambitions personnelles avant l’intérêt collectif :
« Quand l’égo stérile fracture l’unité, le devoir d’État impose de bâtir des ponts. Ce n’est pas en fracturant que l’on gouverne, mais en rassemblant. »
Alors que l’article de Le Nouvelliste lui place avec un groupe composé de Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et même le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, il poursuit dans un ton solennel pour contrecarrer:
« Je n’appartiens à aucun groupe. Le seul groupe auquel je me réclame est celui des femmes et des hommes qui vivent dans les camps de déplacés et qui ont besoin de retourner chez eux. »
Dans ce discours teinté de morale républicaine, Vertilaire se positionne en défenseur de la population otage de la violence, et appelle à une transition axée sur les priorités nationales :
« Ma seule loyauté va à Haïti — à cette Haïti meurtrie qui refuse de sombrer, à cette nation qui attend non des querelles intestines, mais un sursaut de responsabilité. »
Enfin, sa conclusion, presque prophétique, donne le ton : « L’histoire l’enseigne avec constance : le cannibalisme politique n’a jamais enfanté la paix, encore moins dans les heures sombres. La transition ne saurait être le terrain des ambitions démesurées, mais le socle d’un renouveau. »
Des mots forts, mais un conseiller controversé
Le discours de Vertilaire frappe fort, mais son auteur reste sous les feux critiques. Ancien juge d’instruction, il est actuellement visé par une enquête de l’ULCC pour son implication présumée dans un dossier de corruption lié à la Banque Nationale de Crédit (BNC). Deux autres membres du Conseil, également cités dans ce dossier, sont accusés de contrôler une majorité des propositions de nomination dans la diplomatie.
Vers une implosion du Conseil ?
Alors que la population attend des gestes concrets en matière de sécurité, de gouvernance et d’élections, le Conseil Présidentiel de Transition donne l’image d’un navire à la dérive. Entre luttes d’influence, querelles internes et accusations de clientélisme, la structure censée incarner le renouveau semble minée de l’intérieur.
Plus que jamais, Haïti semble confrontée à une transition qui piétine. Et la chronique d’un Conseil en zigzag devient celle d’un pouvoir sans boussole. Le mandat du CPT prendra fin 7 février 2026.
Wideberlin Sénexant