Alors que l’exercice fiscal s’achève, l’heure est au bilan pour le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF). Au-delà des chiffres présentés et des annonces officielles, se pose une question centrale : dans quelle mesure les perspectives de relance économique, de stabilisation budgétaire et de réformes structurelles ont-elles été traduites en actions concrètes ?
Le MEF avait placé cet exercice sous le signe de la rigueur et de la modernisation de la gestion publique. Parmi les priorités annoncées figuraient l’élargissement de l’assiette fiscale, l’amélioration de la collecte des recettes douanières, la lutte contre la fraude et la contrebande, ainsi que le financement de programmes sociaux et d’infrastructures. L’objectif était double : renforcer les capacités de l’État et donner des signaux de confiance aux investisseurs et aux partenaires internationaux.
Pourtant, comme le souligne l’économiste Enomy Germain, la réalité du terrain montre des résultats bien en deçà des ambitions. La planification budgétaire a été instable, avec trois décrets adoptés au cours du même exercice, dont une révision finale à une semaine de la clôture, fragilisant la crédibilité des choix publics. L’exécution budgétaire est restée insuffisante : seulement 56,4 % des dépenses prévues ont été engagées, et le taux d’exécution des investissements publics n’a atteint que 25,4 %. Ce déficit d’action traduit un manque de vision stratégique et une incapacité à réorienter l’investissement vers des régions moins affectées par l’insécurité, limitant ainsi l’impact sur le développement territorial.
Sur le plan macroéconomique, les indicateurs confirment le décrochage : une contraction du PIB de 3,1 %, une inflation à 31,1 %, un chômage persistant et près de 50 % de la population confrontée à l’insécurité alimentaire. La balance commerciale, déficitaire et en détérioration, illustre les difficultés d’un secteur extérieur affecté par la baisse des exportations et la hausse des importations. Même le secteur bancaire, malgré une rentabilité apparente, montre ses limites : la compression des coûts masque la faiblesse du produit bancaire et la restriction potentielle de l’offre de crédit, freinant la relance économique réelle.
Certes, des progrès ont été enregistrés dans la digitalisation de certains services, la mobilisation de ressources internes et la mise en place de cadres de concertation avec les bailleurs. Mais les contraintes structurelles demeurent fortes : économie largement informelle, pression fiscale faible, administration vulnérable à la corruption et instabilité politique permanente.
À l’issue de cet exercice, le pays se retrouve donc face à une équation délicate. Le prochain budget devra non seulement traduire une vision stratégique claire, mais aussi envoyer des signaux plus crédibles et concrets pour restaurer la confiance. Comme le rappelle Enomy Germain, aucune reprise durable n’est envisageable sans la restauration préalable de la sécurité et un redéploiement efficace de l’investissement.
En définitive, la fin de l’exercice fiscal ne se résume pas à une série de statistiques, mais à une interrogation fondamentale : comment transformer des ambitions économiques et financières en leviers réels de développement, capables d’impacter positivement le quotidien de la population et de sortir l’économie haïtienne de son décrochage prolongé ?


