Dans une prise de position audacieuse, l’organisation citoyenne « Agissons pour Haïti » (APHA) a adressé une lettre ouverte aux instances régionales, CARICOM et OEA, pour dénoncer la persistance de négociations politiques impliquant des « figures largement rejetées » par la population haïtienne. Cette démarche intervient dans un climat de profond scepticisme quant à la légitimité du processus politique en cours.
L’initiative d’APHA met directement en cause plusieurs personnalités politiques issues de l’Accord du 21 décembre, dont André Michel et Claude Joseph, figures centrales de l’opposition politique au cours de ces dernières années. Ces derniers sont accusés par l’organisation de symboliser l’échec de la classe politique à sortir le pays de l’impasse institutionnelle, et d’avoir, selon elle, contribué à la fragilisation des structures étatiques.
La lettre évoque notamment le rôle controversé de Claude Joseph, ancien Premier ministre en poste lors de l’assassinat du président Jovenel Moïse, un crime encore enveloppé de zones d’ombre. Sans formuler d’accusations directes, APHA souligne l’absence de redevabilité et les soupçons persistants qui continuent d’alimenter la méfiance de la population envers les dirigeants.
Mais c’est surtout à travers la critique de l’Accord du 3 avril – successeur de celui du 21 décembre – qu’APHA alerte sur la reproduction d’un système politique basé sur l’exclusion et le recyclage de figures politiques contestées. L’organisation reproche à la CARICOM et à l’OEA de légitimer ce qu’elle considère comme un cercle restreint de pouvoir, détaché des aspirations populaires.
L’ancien opposant farouche au régime PHTK, André Michel, est également ciblé pour ses méthodes de mobilisation, qualifiées par l’APHA de dangereuses et destructrices. L’organisation estime que ses discours radicaux et les mouvements “pays lock” ont contribué à l’essor d’une culture de violence et d’anarchie, particulièrement au sein de la jeunesse.
À travers cette lettre ouverte, APHA appelle les instances régionales à un changement de cap, en mettant fin à leur soutien tacite aux « acteurs discrédités ». Elle plaide plutôt pour l’inclusion de nouvelles forces, issues de la société civile, des jeunes et des victimes du système actuel, afin d’engager un processus de refondation véritablement porteur d’espoir.
Cette interpellation intervient alors que la CARICOM et l’OEA ont récemment intensifié leurs efforts diplomatiques pour relancer les discussions sur l’avenir du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), lui-même sous le feu des critiques pour son manque de transparence et de résultats concrets.
En toile de fond : un pays toujours sans président élu, gangréné par l’insécurité, et où la population manifeste de plus en plus ouvertement sa lassitude face à une classe politique jugée incapable de répondre aux urgences nationales. L’appel d’APHA résonne, donc, comme une tentative de réorientation du débat, pour sortir d’une logique de recyclage et remettre la nation au centre du projet démocratique.
Par Gesly Sinvilier