L’avocat militant et porte-parole du Secteur Démocratique et Populaire (SDP), Me André Michel, a officiellement annoncé, ce dimanche, sa candidature à la présidence de la République d’Haïti. Une déclaration qui n’a pas manqué de provoquer une vague de réactions dans l’espace public, notamment en raison de son timing particulier : cette annonce intervient alors que son visa américain a été révoqué ce weekend, au moment même où il s’apprêtait à voyager à l’étranger. Un événement qui jette une ombre sur ses ambitions et soulève de nouvelles interrogations quant à ses réelles motivations.
Un opposant devenu acteur du pouvoir
Connu pour sa virulente opposition au feu président Jovenel Moïse, André Michel s’était imposé comme une figure radicale du mouvement anti-gouvernemental. Il dénonçait sans relâche la corruption, l’impunité et les dérives autoritaires du pouvoir de l’époque. Cependant, son image d’opposant intransigeant s’est progressivement dégradée après sa participation à l’accord du 11 septembre 2021, qui l’a rapproché du gouvernement d’Ariel Henry. Ce décision, jugé par beaucoup comme une compromission, a transformé sa posture politique et alimenté une perception de trahison chez certains de ses anciens alliés.
Un projet présidentiel encore flou
Dans sa déclaration, Me Michel affirme vouloir porter une présidence de « rupture démocratique » et de « réformes profondes ». « Je porterai un projet politique axé sur la sécurité, le développement économique et Social, la souveraineté Nationale. L’élimination des gangs armés est ma première priorité! Nou pa nan Dyalòg ak Gang! », déclare l’ancien opposant farouche aux deux pouvoirs Tet Kale.
Ces quelques éléments de programme devront être détaillés encore plus. Toutefois, son slogan « pas de négociation avec les gangs », est clair. Face à la gravité de la crise haïtienne, il faudra bien plus pour éradiquer les terroristes. Des sujets cruciaux comme la gouvernance ou la relance économique, la refondation nationale et la justice sociale intègreront certainement le programme du futur candidat André Michel qui sera à sa troisième campagne électorale.
La révocation du visa américain : un tournant décisif
La révélation de la révocation de son visa américain, intervenue ce weekend alors qu’il s’apprêtait à voyager à l’étranger, ajoute une dimension délicate à son annonce. Si les autorités américaines n’ont pas, officiellement, communiqué sur les raisons de cette décision, elle intervient dans un contexte régional de durcissement vis-à-vis de certaines figures politiques haïtiennes soupçonnées de collusion avec des réseaux corrompus ou de mauvaise gouvernance.
Pour plusieurs observateurs, cette mesure soulève des doutes sur la probité et la crédibilité de Me Michel à l’international. « Il devient difficile de dissocier cette annonce de candidature d’un acte de repli stratégique, face à un isolement diplomatique grandissant », un journaliste de la place.
D’autres y voient un calcul politique : en se positionnant comme candidat à la présidence juste après cette sanction diplomatique, Me Michel chercherait à restaurer une légitimité nationale et à mobiliser un narratif de victimisation politique. Cela pourrait lui permettre de rallier une base populaire encore méfiante à son égard, tout en forçant certains acteurs internationaux à reconsidérer leur position.
Une perception publique de plus en plus critique
Dans l’opinion publique, les réactions restent partagées. Certains de ses partisans voient en lui un homme de combat injustement ciblé, un patriote prêt à affronter les puissances étrangères pour défendre la souveraineté nationale. Mais pour d’autres, cette situation confirme un malaise plus profond : André Michel aurait franchi la ligne entre militantisme sincère et ambition personnelle.
Une candidature symptomatique d’un système en crise
La candidature d’André Michel, avec ses zones d’ombre et ses revirements, incarne à bien des égards les travers d’un système politique en perte de repères. Loin de représenter une rupture claire avec le passé, elle illustre plutôt la difficulté du pays à faire émerger de nouveaux leaders crédibles, indépendants, et porteurs d’une vision renouvelée.
L’entrée en lice de Me André Michel pour les prochaines présidentielles pourrait difficilement être plus controversée. Son passé d’opposant, son implication dans l’appareil gouvernemental sous Ariel Henry, et la révocation récente de son visa américain dressent un portrait complexe d’un homme à la croisée des chemins.
Sa candidature est-elle un véritable projet de transformation ou une stratégie de survie politique dans un contexte d’isolement croissant ? La réponse dépendra autant de ses prochaines actions que de la capacité du peuple haïtien à exiger de la clarté, de la transparence et un véritable changement de cap.
Par Gesly J. Sinvilier


