lundi, octobre 27, 2025
11.7 C
Londres

Bicentenaire de la dette de l’indépendance: France et Haïti, la vérité en face

Par Jean Mapou
_Comme annoncé, le président français Emmanuel Macron a fait une annonce officielle depuis le Palais de l’Élysée, pour marquer les deux cents ans de l’indemnisation versée par Haïti pour la reconnaissance de son indépendance. Contre toute attente, aucune initiative n’a été annoncée par Macron. Le discours du président, si émouvant qu’il soit, n’a exprimé aucune possibilité de réparer l’injustice faite aux Haïtiens. La France n’a jamais eu de remord face à cette impasse de son histoire commune avec Haïti. Cet article revient sur quelques passages de ce discours, tout en faisant un survol de l’histoire contemporaine._

PARIS.__ A l’occasion du bicentenaire de la dette de l’indépendance d’Haïti, ce 17 avril, le président français Emmanuel Macron a prononcé aussi historique qu’émouvant. Le chef de l’État français a reconnu l’injustice de histoire face à une nation qui a conquis sa liberté au prix du sang.

Depuis son palais à l‘Élysée, Macron est revenu sur ce passage des plus sombres de l’histoire commune des deux peuples. «En dépit de la conquête effective de sa liberté, dès 1804, par les armes et le sang, le dernier des Rois de France, en échange de la reconnaissance et de la fin des hostilités, soumettait le peuple d’Haïti à une très lourde indemnité financière, dont le paiement allait s’étaler sur des décennies», a-t-il déclaré, reconnaissant que l’imposition d’un prix sur la liberté d’un peuple est injustice qui ne peut pas s’oublier.

En ce sens, Macron met la France face à son histoire, affirmant qu’Haïti fut née d’une révolution fidèle aux idéaux de 1789, qui affirmaient les principes de liberté, égalité et la fraternité… «mais la monarchie française d’alors a décidé d’écrire l’histoire autrement», a-t-il dit.

*La France ne doit pas se perdre dans le déni de la vérité*

«Reconnaître la vérité de l’Histoire, c’est refuser l’oubli et l’effacement. C’est aussi, pour la France, assumer sa part de vérité dans la construction de la mémoire, douloureuse pour Haïti, qui s’est initiée en 1825», a prononcé le chef d’État français. Pour lui il faut regarder cette Histoire en face. Avec lucidité, courage et vérité.

En acceptant de rétablir la vérité, le président Macron propose de prendre les chemins du dialogue. Il soutient que dans cet esprit et dans ce but, qu’il faut désormais à la France d’ouvrir tous les espaces de dialogue et de compréhension mutuelle.

*Des perspectives d’un lendemain meilleur pour les deux nations*

Emmanuel Macron a annoncé la création d’une commission mixte franco-haïtienne, chargée d’étudier en profondeur deux siècles de relations entre les deux pays.

«En ce jour symbolique, j’entends qu’il soit institué une commission mixte franco-haïtienne chargée d’examiner notre passé commun et d’en éclairer toutes les dimensions. Une fois ce travail nécessaire et indispensable accompli, cette commission proposera aux deux gouvernements des recommandations afin d’en tirer les enseignements et construire un avenir plus apaisé», a déclaré Macron

Le Président a proposé que cette commission soit composée d’historiens, des deux États et coprésidée par Mme Gusti-Klara Gaillard Pourchet (Haïti) et M. Yves Saint-Geours (France). Elle analysera, par ailleurs, l’impact de l’indemnité de 1825 sur Haïti, et proposer des recommandations pour construire une relation nouvelle, fondée sur la vérité, le respect mutuel et la coopération.

*Une double dette mais pas un mot sur la restitution*

Après François Hollande, Macron est le deuxième président français à reconnaître officiellement la dette morale de la France envers Haïti. Dans un geste fort, il a insisté sur la nécessité de transmettre cette histoire, par le renforcement de la coopération éducative et culturelle.

«La France est aux côtés d’Haïti face aux multiples défis du temps présent. Elle continuera de l’être, en soutenant les initiatives en faveur de la sécurité – la priorité absolue à l’heure actuelle – du rétablissement de la justice et de la démocratie, de l’éducation et de la santé, mais aussi du patrimoine et de la culture», a-t-il souligné, condamnant toute tentative de déstabilisation des autorités de transition.

Rappelons qu’en 1825, sous la menace de la flotte française, Haïti accepta de verser 150 millions de francs-or aux anciens colons pour obtenir la reconnaissance officielle de son indépendance par le roi Charles X. Cette somme fut réduite à 90 millions en 1838, mais son poids sur le pays fut écrasant.

Pour s’acquitter de cette « double dette », Haïti a dû s’endetter à des taux d’intérêt exorbitants auprès de la Banque Nationale d’Haïti, une institution sous contrôle étranger, alors même que les cours du café, sa principale ressource, étaient en forte chute. Les paiements se poursuivirent jusqu’en 1952, date à laquelle les derniers intérêts furent remboursés.

Selon des estimations, le montant total versé par Haïti au fil des ans dépasserait les 560 millions de dollars. La Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME) affirme même qu’« Haïti représente un cas extraordinaire où des anciens esclaves sont contraints à indemniser ceux qui étaient leurs maîtres après les avoir vaincus».

Par ailleurs, en 2002, l’ex Président Jean Bertrand Aristide avait initié une démarche auprès des français pour exiger la restitution de cette escroquerie évaluée au taux de l’époque à 21,7 milliards de dollars américains. Deux ans plus tard, en 2004, alors qu’il venait de célébrer le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, Aristide a été balayé du pouvoir par une rébellion¹q locaux supportée par la communauté internationale.

Hot this week

Haïti: Eventuel retour intégral du personnel de l’ONU d’ici la fin de l’année

Après deux ans de fonctionnement limité pour cause d’insécurité,...

ENTRE DEVOIR DE MÉMOIRE ET DÉFIS DU MOMENT

Celui qui méprise son passé ou qui ignore l’histoire...

Jovenel Moïse : le président incompris et trahi

Par Pierre Josué Agénor CADET Il est des hommes dont...

Honneur au Dr Michel Philippe Lerebours qui vient de nous quitter

Nous pourrons profiter de ses écrits notamment sur l'histoire...

Etzer Émile et la provocation nécessaire : Entre vérité crue et maladresse symbolique

Par Jean Wesley Pierre « 🔵🔴 An 2025, fòk nou...

Topics

Haïti: Eventuel retour intégral du personnel de l’ONU d’ici la fin de l’année

Après deux ans de fonctionnement limité pour cause d’insécurité,...

ENTRE DEVOIR DE MÉMOIRE ET DÉFIS DU MOMENT

Celui qui méprise son passé ou qui ignore l’histoire...

Jovenel Moïse : le président incompris et trahi

Par Pierre Josué Agénor CADET Il est des hommes dont...

Honneur au Dr Michel Philippe Lerebours qui vient de nous quitter

Nous pourrons profiter de ses écrits notamment sur l'histoire...

La fierté haïtienne, un héritage trahi

Opinion – Par Gesly Sinvilier Pendant longtemps, la fierté...

Quand des anciens dirigeants redécouvrent le peuple une fois le pouvoir perdu

Par Jean Wesley Pierre Port-au-Prince, Octobre 2025 — Lors d’une...

L’historien et critique d’art haïtien de renom Michel Philippe Leurebours est mort

Le professeur et historien Michel Philippe Leurebours s'est éteint...

Related Articles

Popular Categories