PORT-AU-PRINCE.— L’arrestation, le jeudi 24 octobre dernier d’un ressortissant haïtien se présentant comme vice-consul d’Haïti en République dominicaine, soulève de nouvelles interrogations sur la complexité des relations bilatérales entre Port-au-Prince et Saint-Domingue. Selon un communiqué de l’Armée de la République dominicaine (ERD), l’incident s’est produit à Mao, dans la province de Valverde, à proximité de la forteresse Général Benito Monción, lors d’un contrôle de routine mené par la 4ᵉ Brigade d’infanterie.
Le véhicule intercepté, une Kia K5 grise immatriculée AA42070, était conduit par Denis Mervil, un citoyen haïtien porteur d’une carte l’identifiant comme vice-consul d’Haïti. Deux passagers haïtiens se trouvaient à bord, tous deux en situation migratoire irrégulière. Selon les autorités dominicaines, l’individu interpellé aurait tenté d’invoquer son statut diplomatique pour justifier sa présence et celle de ses accompagnateurs sur le territoire.
Cependant, l’ERD a précisé que le présumé diplomate « n’était pas autorisé à transporter des ressortissants en infraction avec les lois migratoires », rappelant que la Convention de Vienne sur les relations consulaires « ne couvre pas les actes contraires à la législation nationale ni les abus de privilèges diplomatiques ». Le véhicule, son conducteur et ses deux passagers ont été conduits au quartier général de la 4ᵉ Brigade pour les besoins de l’enquête.
Une affaire symptomatique d’une tension frontalière persistante
Au-delà du fait divers, cette arrestation illustre la fragilité des relations diplomatiques et migratoires entre Haïti et la République dominicaine. Depuis plusieurs années, les tensions se sont accrues entre les deux voisins partageant l’île d’Hispaniola, notamment autour des questions de migration, de sécurité frontalière et de reconnaissance des statuts consulaires.
Dans un contexte où la frontière reste un espace à la fois de forte mobilité et de méfiance, les autorités dominicaines ont multiplié les opérations de contrôle, souvent perçues à Port-au-Prince comme des mesures discriminatoires à l’encontre des ressortissants haïtiens.
L’arrestation d’un individu revendiquant un titre diplomatique pourrait ainsi avoir des conséquences politiques sensibles. Si son statut est confirmé par le ministère haïtien des Affaires étrangères, l’incident pourrait donner lieu à une protestation officielle pour atteinte à l’immunité consulaire. Dans le cas contraire, il s’agirait d’une usurpation de fonction diplomatique, un acte grave pouvant envenimer la méfiance déjà palpable entre les deux États.
Silence officiel à Port-au-Prince
À Port-au-Prince, aucune réaction officielle n’a encore été enregistrée à la suite de l’arrestation de Denis Mervil. Une source contactée ministère haïtien des affaires étrangères indique, toutefois, que celui-ci suit de près la situation et cherche à vérifier l’identité et le statut administratif du concerné avant toute démarche officielle.
Qu’il s’agisse d’un abus de titre ou d’un excès de zèle, l’affaire met en lumière le déséquilibre structurel des rapports entre les deux pays. Tandis qu’Haïti traverse une crise institutionnelle profonde, avec une diplomatie fragilisée, la République dominicaine continue d’affirmer son autorité sur la frontière commune, souvent au détriment du dialogue bilatéral.
L’arrestation de Denis Mervil, au-delà de sa dimension individuelle, révèle la vulnérabilité de la diplomatie haïtienne. Elle souligne l’urgence pour Port-au-Prince de redéfinir ses priorités, face à un voisin dont la stratégie sécuritaire se veut désormais plus préventive que coopérative.
Jean Mapou


