PORT-AU-PRINCE.— L’arrestation de l’ancien sénateur des Nippes, Nenel Cassy, ce samedi 2 août dans un restaurant huppé de Pétion-Ville, continue de faire l’effet d’un séisme politique. Recherché pour des accusations graves, complot contre la sûreté de l’État, financement d’organisations criminelles, et association de malfaiteurs, l’ancien élu du parti Fanmi Lavalas est désormais sous le contrôle de la direction centrale de la police judiciaire.
Dans une opération parallèle, des agents de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) ont perquisitionné son domicile à Pèlerin 6. Selon une source policière, cette intervention s’inscrit dans une enquête approfondie visant à établir les responsabilités de l’ex-parlementaire dans plusieurs affaires liées à l’insécurité et aux réseaux criminels.
«Il demeure à ce stade incertain de savoir si Nenel Cassy collabore ou non avec les enquêteurs de la DCPJ dans le cadre de cette perquisition», a indiqué notre source.
Une affaire au cœur de tensions institutionnelles
L’arrestation de Nenel Cassy intervient dans un contexte de grande fragilité institutionnelle. Le Commissaire du Gouvernement, Frantz Monclair, est accusé de négligence et de partialité dans ce dossier. Selon Me Jacques Lunay avocat du barreau de Port-au-Prince, le chef du parquet a commis une faute professionnelle qui peut engager sa responsabilité dans l’affaire et porter atteinte aux droits de l’ancien sénateur.
«Classer sans suite, sans lecture ni examen du dossier de Nenel Cassy par le Frantz Monclair constitue une violation du devoir de diligence et d’impartialité du parquet», a tweeté l’avocat sur son compte X, poursuivant que: «Me Frantz Monclair a fait preuve d’une ignorance totale du droit pénal et de procédure pénale qui met Nenel Cassy dans une situation difficile».
Flou judiciaire et crispation sécuritaire
Cette affaire relance également le débat sur l’indépendance de la justice. En mars 2025, le Parquet de Port-au-Prince avait annulé les poursuites contre l’ancien sénateur; une décision confirmée publiquement par son avocat, Me Fanfan Guérilus. Pourtant, la DCPJ a poursuivi ses investigations.
Interrogé sur la légalité de l’avis de recherche toujours en vigueur, Lionel Lazarre, porte-parole adjoint de la Police Nationale d’Haïti, a tenu à rassurer: «Les forces de l’ordre devaient faire leur travail».
Cette déclaration traduit la détermination des autorités policières à faire progresser le dossier, malgré les contradictions apparentes entre les décisions judiciaires et les actions des enquêteurs.
L’indifférence de la classe politique dans ce dossier, une preuve d’épuisement moral
L’arrestation de l’ancien sénateur Nenel Cassy, figure de proue de l’opposition politique sous l’ère Jovenel Moïse, aurait dû susciter un débat national sur la judiciarisation de la vie publique en Haïti. Pourtant, c’est le silence assourdissant d’une classe politique figée sur elle mais aussi plus mitigée que jamais. Aucune déclaration, aucun soutien ou même condamnation par ses anciens alliés ou adversaires.
Cette indifférence témoigne non seulement d’un climat de méfiance généralisée, mais aussi d’un effritement des solidarités politiques traditionnelles, désormais remplacées par une logique d’isolement, de survie individuelle et de discrédit mutuel. Plus grave encore, ce silence peut être interprété comme un symptôme de l’épuisement moral et stratégique d’une élite politique désorientée, coupée des préoccupations citoyennes.
Alors que l’arrestation de Cassy soulève des questions sur les rapports entre justice, pouvoir et instrumentalisation politique, l’absence de prise de position affaiblit davantage une classe dirigeante déjà en déficit de légitimité.
En effet, l’affaire Nenel Cassy illustre les tensions persistantes entre justice, politique et sécurité en Haïti. Entre les appels à la responsabilité politique et les interrogations sur la rigueur judiciaire, ce dossier pourrait bien devenir un test majeur pour la crédibilité des institutions dans leur lutte contre la corruption et l’impunité.
Jean Mapou


