Par Gesly Sinvilier
Le dernier rapport du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) dresse un tableau sombre d’un pays à genoux, où la violence des gangs s’étend et où la population civile paie le prix fort. Entre exécutions sommaires, déplacements massifs et violations graves des droits humains, le document publié récemment appelle à une action urgente du gouvernement haïtien et de la communauté internationale.
Un pays sous le feu des gangs
Les chiffres sont glaçants : 1 247 personnes ont été tuées et 710 blessées au cours de la période étudiée, selon les données compilées par le BINUH. Les gangs armés sont responsables de près d’un tiers de ces morts, tandis que des groupes d’autodéfense et des opérations policières ont aussi contribué à alourdir le bilan.
Malgré la résistance de certains quartiers comme Delmas 19 ou la Route de l’Aéroport, les bandes criminelles continuent de semer la terreur dans la capitale et d’étendre leur emprise vers les zones rurales, notamment dans l’Artibonite et le Centre.
Les violences sexuelles et la traite d’enfants, utilisées comme armes de domination, persistent. Le rapport évoque également 39 civils tués par des frappes de drones explosifs et 79 exécutions extrajudiciaires attribuées à des policiers, un constat alarmant sur la dérive sécuritaire et l’impunité au sein des forces de l’ordre. Conséquence directe : plus de 1,4 million de personnes ont dû fuir leur foyer à travers le pays, un déplacement massif qui accentue une crise humanitaire déjà hors de contrôle.
Une justice en quête de moyens et de crédibilité
Face à cette hémorragie sécuritaire, le gouvernement tente de réagir. Dix commissaires du gouvernement ont été recrutés pour renforcer les pôles judiciaires spécialisés dans la lutte contre les crimes de masse, les violences sexuelles et les crimes financiers. Mais ces efforts restent timides au regard de la gravité de la situation et de l’ampleur du défi.
Le système judiciaire haïtien, gangrené par la corruption et le manque de ressources, peine à garantir la reddition de comptes et la protection des droits fondamentaux.
Des recommandations fortes, un appel à l’action
Le BINUH exhorte le gouvernement haïtien à passer à la vitesse supérieure :
- Opérationnaliser pleinement les pôles judiciaires spécialisés ;
- Traduire en justice les policiers impliqués dans des violations graves des droits humains ;
- Renforcer la cohérence et la discipline au sein des forces de sécurité ;
- Mettre en œuvre un programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) avec l’appui de la communauté internationale.
Le rapport insiste également sur le rôle crucial de la communauté internationale, appelée à maintenir Haïti à l’agenda global et à soutenir le déploiement complet de la Force multinationale de sécurité (FRG), autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Enfin, les États de la région sont invités à renforcer les contrôles sur les cargaisons à destination d’Haïti — ports, aéroports et zones frontalières — afin de stopper le flot d’armes qui alimente les gangs.
Une urgence nationale et internationale
Au-delà des chiffres et des recommandations, le rapport du BINUH sonne comme un cri d’alarme. Haïti, étranglée par la violence et abandonnée par ses institutions, a besoin d’un sursaut collectif.
Sans une réponse coordonnée entre l’État, la société civile et la communauté internationale, le pays risque de sombrer encore plus profondément dans le chaos.
« Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action », conclut en substance le rapport. Une urgence vitale pour un peuple haïtien qui n’a que trop souffert.


