A peine deux ans après la disparition de la cofondatrice de Radio Kiskeya S.A, Liliane Pierre-Paul, l’héritage de la station se retrouve déjà au cœur d’une tempête interne. Son fils, Harold Isaac, et le directeur général, Marvel Dandin, s’opposent ouvertement. Lettres, accusations, dénonciations de menaces: la crise éclate au grand jour.
Depuis le décès de Liliane Pierre-Paul, le 31 juillet 2023, l’âme de Radio Kiskeya plane encore sur ses ondes. Une radio forgée dans la résistance, que ses fondateurs ont traversé la dictature et les tumultes politiques successifs. Pourtant, cette institution médiatique, considérée comme un patrimoine moral dans le paysage haïtien, se retrouve aujourd’hui secouée par un conflit interne d’une rare intensité.
Au centre de la tourmente, deux figures: Harold Isaac, fils héritier de la défunte journaliste, et Marvel Dandin, compagnon de longue date de la station, aujourd’hui directeur général de Radio Kiskeya. Depuis plusieurs semaines, les tensions se sont accrues, entre accusations financières, suspicions, et désormais dénonciations de menaces.
Harold Isaac a produit une correspondance datée du 6 novembre 2025, demande des « clarifications » concernant l’état financier de la station pour l’exercice 2022-2023. Il relève notamment que 88% des dépenses salariales auraient été attribuées aux rubriques « Gratification » et « Émolument », laissant peu de place aux salaires du personnel régulier.
Dans sa lettre, l’héritier exige des explications écrites sur l’attribution de ces montants, leurs bénéficiaires ainsi que les pièces justificatives. Il recommande également la convocation du Conseil d’administration en vue de mandater un comptable indépendant pour un audit complet, au nom de la transparence et de la protection de la réputation de la station.
De son côté, dans un long message rendu public, Marvel Dandin affirme que sa vie serait désormais « en grand danger ». Il accuse Harold Isaac et son épouse de mener des campagnes de diffamation à son encontre, d’annoncer publiquement qu’il serait « sur le point de mourir » d’une maladie dite à incurable, et d’insinuer son implication dans des irrégularités bancaires.
« Lè pwòp pitit Liliane ak madanm li tanmen sal repitasyon mwen… se premye etap asasina a », écrit Dandin, déclarant que ces allégations créent un climat inquiétant autour de lui et de sa famille.
Rappelant ses « plus 30 ans de combat et de sacrifices », Marvel évoque également un incident survenu le vendredi 7 novembre 2025, au cours duquel Harold Isaac se serait présenté à la station pour le confronter, avant de l’appeler pour l’avertir qu’il avait « déjà sauvé sa peau et qu’il venait pour lui».
Face à cette escalade, l’animateur de l’émission Dim ma Di w a adressé une lettre au Protecteur du Citoyen ainsi qu’à plusieurs organisations de défense des droits humains, dénonçant ces « menaces à peine voilées » et une « diffamation éhontée ». Il y précise que ses relations avec Harold Isaac étaient déjà tendues par le passé, notamment autour de la propriété intellectuelle de la station, mais qu’elles ont dégénéré depuis le décès de Liliane Pierre-Paul.
Cette confrontation frontale expose au grand jour les fractures qui se creusent au sein de Radio Kiskeya, un média pourtant fondé sur la solidarité et la résistance. Entre soupçons, blessures personnelles et enjeux de gouvernance, l’institution se retrouve prise dans une lutte qui dépasse la simple gestion administrative et touche au cœur même de son héritage. Donc une question de succession.
Reste désormais à savoir si la loi, appelée en renfort par les deux protagonistes, sera capable d’apaiser ce brasier interne. Radio Kiskeya, qui a résisté aux tempêtes politiques, devra maintenant affronter une turbulence venue de l’intérieur. Car il faut, inexorablement, sauver ce patrimoine. Pour Sonny, Liliane… Et pour nous tous, pitit Kiskeya !
La rédaction


