Par Jean Wesley Pierre
Port-au-Prince, 11 novembre 2025 — Les récentes déclarations du ministre de la Santé publique, Dr Bertrand Sinal ont ravivé le débat sur la dégradation alarmante du système de santé haïtien. Avec cette dénonciation d’irrégularités graves à l’Hôpital Saint-Michel de Jacmel, le ministre se retrouve face à une réalité : celle d’un État sanitaire déliquescent, miné par le manque de moyens et un manque de confiance entre la population et les institutions censées la soigner.
Lors d’une inspection récente à l’Hôpital Saint-Michel de Jacmel, le Dr Bertrand Sinal a constaté des dérives inquiétantes : des étudiants en médecine exerceraient à la place de médecins titulaires, tandis que les tarifs officiels des soins seraient largement dépassés.
Selon le ministre, un accouchement normal, officiellement tarifé à 1 000 gourdes, serait facturé 3 000 gourdes, et une césarienne, normalement fixée à 12 000 gourdes, atteindrait jusqu’à 27 900 gourdes.
Ces révélations traduisent une pratique quasi systémique dans le réseau hospitalier public haïtien : la surfacturation, les arrangements informels et la substitution de personnel qualifié par des stagiaires ou étudiants.
Les hôpitaux régionaux souvent en situation de quasi-autonomie administrative fonctionnent comme des micro-entreprises informelles, où les usagers paient pour tout : une perfusion, une seringue, un lit, parfois même pour qu’un médecin daigne venir examiner un patient.
Ce qui se passe à Jacmel n’est pas un cas isolé. Dans de nombreux hôpitaux publics du pays des Cayes au Cap-Haïtien en passant par Port-de-Paix ou encore dans la capitale, Port-au-Prince, les patients se plaignent de mauvais traitements, d’insultes, voire de négligence délibérée.
Des témoignages recueillis par des patients, des familles, et des organisations des droits de l’homme font état de femmes enceintes laissées sans assistance pendant des heures, de malades urgents abandonnés dans les couloirs, parfois jusqu’à la mort, faute d’attention médicale.
Dans certains centres, le personnel hospitalier mal payé, épuisé, démotivé se montre arrogant ou indifférent, cultivant une forme de violence institutionnelle qui s’ajoute à la souffrance physique des patients.
Cette perte de compassion et de professionnalisme résulte d’un malaise au sein du système : absence de supervision, manque de contrôle des directions départementales, dégradation du niveau de formation médicale et fuite massive des professionnels compétents vers l’étranger.
La dégradation du système de santé ne relève pas uniquement de la mauvaise gestion hospitalière : elle est le reflet d’une faillite politique et budgétaire plus large.
Le ministère de la santé de la publique et de la population doit agir vite et enquêter sur l’application des dernières mesures prises visant l’amélioration des conditions de vie des plus vulnérables qui, pourtant, ne sont pas respectées scrupuleusement par ceux là même, censés les implémenter.
Sous l’administration Sinal, plusieurs louables actions sont posées pour garantir un minimum à l’échelle nationale. Mais comme pour la césarienne, elles ne sont pas mises en œuvre à la lettre. Reste à savoir combien d’autres mesures ne sont prises en compte.
Est-ce du pur sabotage politique ou boycott par le personnel médical ? Une investigation globale devrait répondre à questions et de bien d’autres.


