PORT-AU-PRINCE— Le gouvernement haïtien réinstalle progressivement ses activités au Palais national, dans une démarche à la fois symbolique et stratégique visant à réaffirmer la présence de l’État dans la capitale, longtemps désertée sous la menace des gangs armés.
«Dorénavant, tous les Conseils des ministres se tiendront au Palais, aux Champs de Mars», a annoncé le secrétaire d’État à la Communication, Bendgy Tilias, dans un entretien accordé au Nouvelliste ce mardi 14 octobre 2025. Selon lui, cette décision traduit la volonté du gouvernement et du Conseil présidentiel de transition (CPT) de réinvestir durablement le centre-ville et de restaurer la souveraineté de l’État au cœur de la capitale haïtienne.
Le Conseil des ministres du jeudi 9 octobre, tenu au Palais national pour la première fois depuis janvier 2024, marque une étape hautement symbolique dans cette stratégie de reconquête institutionnelle.
«La tenue de ce Conseil au Palais national constitue un signal fort de la détermination de l’exécutif à affronter résolument le fléau de l’insécurité et à rétablir l’autorité légitime de l’État dans la capitale», a souligné Tilias.
Un retour progressif de l’administration publique au centre-ville
Pour le secrétaire d’État, cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de rétablissement de l’administration publique au centre-ville, paralysée ces dernières années par la violence et les déplacements forcés.
«Les bâtiments administratifs doivent pouvoir recommencer à fonctionner au centre-ville », a-t-il insisté, exprimant son souhait de voir les services publics réinvestir les lieux désertés depuis trop longtemps.
Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, présent lors du Conseil, a salué cette réinstallation du gouvernement au Palais national, la qualifiant d’acte de résilience et de reconquête nationale.
«L’État haïtien se redresse, pas à pas, avec calme, courage et détermination. Nous reprenons le contrôle de notre capitale et nous rendons à notre peuple la sécurité et la dignité qu’il mérite », a-t-il déclaré à l’issue de la réunion.
Dans une vidéo publiée par la Primature, filmée depuis l’intérieur d’une voiture circulant sur l’aire du Champ de Mars, le gouvernement affirme que «petit à petit, la vie reprend dans le pays, notamment dans la capitale», signe d’un retour timide mais significatif de l’activité institutionnelle dans une zone longtemps contrôlée par les gangs.
Un geste à caractère politique avant tout
Au-delà de sa portée symbolique, la décision de tenir les Conseils des ministres au Palais national s’inscrit aussi dans une stratégie politique de consolidation de l’autorité étatique, à quelques mois de la fin de la transition.
Le gouvernement cherche à rétablir la confiance du public dans les institutions, notamment en réaffirmant son engagement en faveur d’élections libres et crédibles.
Un retour du pouvoir symbolique dans une capitale meurtrie
La réinstallation des Conseils des ministres au Palais national apparaît comme un acte de défi face à l’insécurité persistante et à la fragmentation territoriale de Port-au-Prince.
Alors que plus de 80% de la région métropolitaine demeure sous la menace de groupes armés, cette initiative revêt une dimension politique et psychologique majeure: celle d’un État qui cherche à se réaffirmer là même où son absence symbolisait, depuis des années, le recul du pouvoir républicain.
En réinvestissant le Palais national, le gouvernement Fils-Aimé envoie un message clair : celui d’un retour progressif de l’autorité publique et d’une volonté de restaurer la confiance, préalable indispensable à toute reconstruction politique et sociale durable.
Jean Mapou


