PORT-AU-PRINCE. — De retour d’une tournée de deux mois dans le Grand Sud, le professeur Josué Mérilien, responsable de l’Union nationale des normaliens et normaliennes haïtiens (UNNOH), dresse un constat à la fois lucide et porteur d’espoir: «malgré la crise profonde que traverse le pays, le secteur éducatif haïtien n’est pas mort», a déclaré Mérilien qui était invité à l’émission Thermomètre sur Radio Solidarité. Dans plusieurs communautés rurales, affirme-t-il, des initiatives locales émergent pour maintenir vivante la flamme de l’éducation.
«Beaucoup de gens essaient d’investir dans ce secteur, souvent avec très peu de moyens, mais beaucoup de volonté», a confié le syndicaliste, connu pour ses prises de position parfois radicales sur le système éducatif.
Auteur d’un ouvrage sur la citoyenneté, Josué Mérilien estime que l’école haïtienne actuelle reste prisonnière d’un modèle hérité de la colonisation, incapable de former de véritables citoyens conscients de leurs droits et devoirs.
«L’école que nous avons aujourd’hui ne forme pas des citoyens haïtiens. Elle forme selon le prototype du modèle colonial. Il faut déconstruire le présent modèle pour haïtianiser l’école, bâtir celle qui repose sur nos valeurs», a-t-il déclaré.
Une critique du statu quo ministériel
Le syndicaliste n’a pas mâché ses mots à l’égard du ministre de l’Éducation, Antoine Augustin, qu’il accuse de reconnaître l’effondrement de l’école haïtienne sans poser d’actions concrètes pour sa reconstruction. Selon Mérilien, la refondation du système éducatif passe nécessairement par une vision politique claire, un projet de société fondé sur la connaissance de soi et une éducation ancrée dans la réalité haïtienne.
Trois axes pour transformer l’école haïtienne
Pour passer d’une école coloniale à une école de transformation citoyenne, Josué Mérilien propose trois axes prioritaires :
- Réorganiser l’éducation nationale à travers une politique publique qui valorise l’enseignement de la culture, de l’histoire et des savoirs haïtiens;
- Lancer une mobilisation sociale afin d’imposer un modèle éducatif capable de reconnecter l’être haïtien à sa citoyenneté et à son humanité;
- Se doter d’outils pédagogiques favorisant l’enseignement des valeurs citoyennes, morales et humaines.
Vers une école de libération plutôt qu’une école d’aliénation
Pour Mérilien, repenser l’école, c’est repenser la société. L’éducation ne doit plus être un outil de reproduction sociale ou de domination culturelle, mais un espace d’émancipation, de dignité et de créativité nationale.
Son plaidoyer s’inscrit dans une démarche de longue haleine, portée par une génération d’enseignants, d’intellectuels et d’acteurs communautaires, convaincus que l’avenir d’Haïti se jouera d’abord sur les bancs de l’école.
«Une école haïtienne, ce n’est pas seulement une école en Haïti. C’est une institution qui forme des Haïtiens dans leur esprit, leur culture et leur conscience», conclut le professeur syndicaliste.
Jean Mapou


