Par Jean Wesley Pierre
Port-au-Prince — 9 Octobre 2025 — C’est une semaine où le monde semble, pour un instant, respirer autrement.
Chaque jour, une annonce tombe depuis Stockholm ou Oslo, et l’humanité se souvient qu’elle sait encore célébrer ce qu’elle a de meilleur : la connaissance, la création, et ce rêve obstiné qu’on appelle la paix.
Des laboratoires à la planète : Quand la science répare le monde
Lundi, le Prix Nobel de médecine a ouvert la danse, récompensant deux chercheurs américains et un Japonais pour leurs découvertes sur les mécanismes de l’immunité, une avancée qui pourrait redéfinir la lutte contre certaines maladies chroniques.
Mardi, place au Nobel de physique, attribué à trois experts de la mécanique quantique, dont un Français, pour avoir défriché les territoires invisibles de la matière et du temps.
Mercredi, c’est la chimie qui a parlé au nom du climat. Le Japonais Susumu Kitagawa, le Britannique Richard Robson et le Jordano-Américain Omar M. Yaghi ont été honorés pour leurs recherches sur les structures métallo-organiques des architectures moléculaires capables de purifier l’eau, de capturer le CO₂, ou de transformer l’air du désert en source d’humidité.
Dans un monde asphyxié par la pollution, leur travail redonne souffle à la science et à la planète.
La littérature entre vision et vertige
Jeudi, c’est la littérature qui a pris le relais. Le prix Nobel a été attribué à l’écrivain hongrois László Krasznahorkai, pour une œuvre qualifiée de « fascinante et visionnaire ». Son écriture, dense et hypnotique, explore le chaos du monde moderne avec une lucidité presque mystique.
Dans une Europe fragmentée, ce choix réaffirme le rôle de la littérature comme refuge et comme miroir.
« Je suis heureux, calme et très nerveux », a confié Krasznahorkai à la radio suédoise, comme s’il pressentait que le silence, désormais, pèserait plus lourd que les mots.
Le Nobel de la paix : l’attente du monde
Et maintenant, le dernier acte.
Vendredi 10 octobre, à Oslo, sera révélé le Prix Nobel de la paix 2025.
Parmi les 338 candidats, dont 244 personnalités et 94 organisations, un seul nom viendra s’ajouter à la lignée de Narges Mohammadi, Martin Luther King, Mandela ou le Dalaï-Lama.
Cette année, les enjeux sont immenses. Le monde est traversé par la guerre, la haine et la désinformation. Mais aussi par une incroyable énergie citoyenne, portée par des femmes et des hommes qui refusent de céder à la fatalité.
Des héros de terrain face aux puissants
En tête des favoris, les Cellules d’intervention d’urgence (ERR), un réseau de bénévoles soudanais qui, dans l’ombre de la guerre, distribuent nourriture, soins et espoir à des millions de civils pris au piège.
Leur travail, invisible et vital, est une leçon d’humanité.
Autre nom cité :
▪︎ Volodymyr Zelensky, président ukrainien, devenu symbole de résistance face à l’invasion russe. Mais son image, désormais associée à une guerre interminable, divise autant qu’elle inspire.
▪︎ La Cour pénale internationale (CPI) figure également parmi les possibles lauréats. Malgré les sanctions américaines et les retraits successifs de plusieurs États africains, la CPI continue de poursuivre crimes de guerre et crimes contre l’humanité, au risque de s’attirer les foudres des puissants. Un Nobel à la CPI serait un message : la justice internationale reste un pilier fragile, mais indispensable.
▪︎ Il y a aussi Reporters sans frontières (RSF), en mémoire des journalistes tués à Gaza et ailleurs plus de 210 morts en deux ans, pour que la vérité ne meure pas.
▪︎ Et Mahrang Baloch, militante pakistanaise emprisonnée pour avoir dénoncé les disparitions forcées de la minorité baloutche. Chirurgienne, trentenaire, révoltée, elle incarne cette génération de femmes qui soignent les corps mais refusent de se taire devant l’injustice.
Les ombres et les symboles
▪︎ Certains évoquent aussi la veuve du dissident russe Alexeï Navalny, Ioulia Navalny, qui poursuit le combat contre le régime de Poutine, ou encore Standing Together, une organisation israélo-palestinienne qui milite pour la coexistence dans un climat d’hostilité.
Des voix venues du Sud, du terrain, de la douleur là où la paix se construit sans caméras ni discours.
▪︎ Et puis, il y a Donald Trump.
Le président américain, qui se proclame « candidat naturel » au Nobel de la paix, continue de vanter ses médiations géopolitiques.
Mais difficile de concilier ses menaces d’annexion du Groenland, ses coupes d’aide à l’Afrique et ses politiques migratoires avec la vision d’Alfred Nobel : « la fraternité entre les nations ».
Un Nobel pour Trump ? Peu probable, mais symptomatique d’un temps où la communication a souvent remplacé la conviction.
Un message plus qu’un prix
Au-delà des pronostics, une chose est sûre : le Nobel de la paix 2025 ne sera pas seulement une récompense, mais un message.
Un rappel que la paix ne naît pas des bombes ni des traités, mais des gestes silencieux, des choix courageux, des solidarités qui défient la peur. Dans un monde saturé d’égoïsmes, ce prix vient redire, année après année, que la paix n’est pas un rêve naïf c’est un devoir lucide.


