À voir la valse des dirigeants au sommet de l’État, on pourrait croire qu’Haïti vit une ère de réformes profondes. En réalité, le pays n’assiste qu’à une valse, où chaque changement de fauteuil cache l’éternel immobilisme d’une transition qui piétine. Un président du CPT par-ci, un Premier ministre par-là, un directeur général jeté, remplacé, recyclé… Haïti vit au rythme d’une grotesque chaise musicale.
En effet, on change de président au Conseil Présidentiel de Transition comme on change de costume : tous les cinq mois, une nouvelle figure s’installe, promet le renouveau… et disparaît aussitôt dans la même torpeur. On remplace les Premiers ministres, on réarrange les cabinets, on recycle les directeurs généraux.
Les communiqués s’enchaînent, les cérémonies d’installation se multiplient, mais dans les rues de Port-au-Prince comme dans les campagnes, la vie reste la même : dure, insécurisée, sans horizon.
Cette transition est devenue un théâtre d’ombres, où les dirigeants jouent à qui contrôlera le pouvoir, pendant que le pays s’effondre. Manœuvres politiciennes, luttes d’influence, calculs de clans : voilà le vrai agenda. Pendant ce temps, les Haïtiens, eux, doivent affronter seuls l’insécurité endémique, l’effondrement économique, la misère sociale, et une crise politique qui semble éternelle.
À l’approche de l’échéance du 7 février 2026, une question s’impose : qu’a, donc, accompli cette transition ? Rien, sinon prouver qu’elle n’a ni vision, ni courage. Pas de progrès sur la sécurité. Pas d’élections en perspective. Pas de réformes institutionnelles. Rien, sinon des discours creux et une obsession maladive pour la conservation du pouvoir.
Ils changent tout, mais rien ne change. Car changer les visages ne suffit pas quand les pratiques demeurent les mêmes. Haïti ne peut plus se permettre cette illusion du mouvement qui n’avance pas. Si rien ne bascule d’ici 2026, la transition actuelle ne sera qu’un chapitre de plus dans le grand livre de nos rendez-vous manqués avec l’histoire.
Gesly Sinvilier


