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Justice et dignité humaine : Quand les magistrats plaident pour l’effectivité des garanties judiciaires

Les 9 et 10 septembre 2025, à l’hôtel Karibe, l’Association Professionnelle des Magistrats (APM) a tenu un atelier, consacré aux garanties judiciaires en matière pénale. Sous le regard du nouveau Code de procédure pénale, magistrats, officiers de police judiciaire et partenaires techniques ont confronté un double défi : celui d’une justice qui cherche à s’affirmer dans ses principes et celui d’une pratique trop souvent minée par les dérives autoritaires, les violations des droits fondamentaux et la méfiance de la population.

Le cœur de la justice : Protéger même l’accusé

La notion de garanties judiciaires dépasse le formalisme juridique. Elle constitue, selon le président de l’APM, Marthel Jean Claude, « un socle éthique et légal que ni les magistrats ni la police ne peuvent ignorer ».

Concrètement, il s’agit de rappeler que l’État ne peut poursuivre un citoyen que dans le respect de sa dignité. Être accusé d’un crime ou d’un délit, même grave, n’annule pas le statut d’être humain porteur de droits.

Parmi ces droits figurent : l’assistance d’un avocat dès le premier interrogatoire, l’interdiction de contraindre un individu à témoigner contre lui-même, et l’obligation de traiter toute personne privée de liberté avec respect. Ce sont des garde-fous essentiels contre les abus, les aveux extorqués et les procédures arbitraires.

Entre textes et réalités : le gouffre haïtien

Mais en Haïti, ces principes restent trop souvent théoriques. Dans les commissariats, l’accès à un avocat demeure une exception, un luxe ; les détentions préventives prolongées, comme l’a si bien mentionné le professeur Paul Eronce Villard en affirmant que seulement 10 % des prisonniers sont jugés et que 90 % sont en détention préventive prolongé, cela illustre chaque jour le non-respect des délais légaux ; et de nombreux citoyens accusés n’ont aucune idée des droits que la loi leur reconnaît.

C’est ce constat qu’a voulu corriger l’APM en organisant cet atelier. L’objectif : passer de la lettre de la loi à sa mise en œuvre réelle. Le représentant résident adjoint du PNUD, Xavier Michon, a d’ailleurs insisté : « Les textes ne sont pas suffisants, il faut que les acteurs s’en imprègnent et les appliquent. Ce que nous voulons, c’est passer de la rhétorique à la pratique. »

Des obligations déontologiques, des sanctions disciplinaires

L’atelier a mis en lumière une dimension souvent négligée : le respect des garanties judiciaires n’est pas une faveur, mais une obligation déontologique. En d’autres termes, c’est le cœur même du métier de magistrat et d’officier de police judiciaire.

Les violations à ces principes peuvent et doivent donner lieu à des sanctions disciplinaires. Cette affirmation est fondamentale dans un système où l’impunité fragilise non seulement la justice, mais aussi l’autorité de l’État tout entier.

Une justice décrédibilisée par ses propres manquements

La crédibilité de l’institution judiciaire se joue ici. Chaque arrestation arbitraire, chaque détention abusive, chaque procès mené sans avocat contribue à creuser le fossé entre la justice et le peuple. Dans une société où la défiance vis-à-vis des institutions est profonde, garantir les droits fondamentaux des justiciables n’est pas un luxe juridique : c’est un acte de survie pour l’État de droit.

Du symbole à la pratique : un chantier à poursuivre

Les échanges de Karibe ont permis de rappeler l’évidence : un pays ne peut aspirer à la démocratie en négligeant la justice. Mais l’enjeu reste la mise en pratique. Sans mécanismes de contrôle efficaces, sans volonté politique réelle, sans ressources, sans moyens adéquat pour garantir la présence d’avocats, l’atelier risque de n’être qu’un exercice rhétorique de plus.

Pourtant, le signal envoyé est important : Magistrats et partenaires internationaux semblent décidés à transformer le discours en actes. Si cette dynamique se poursuit, elle pourrait contribuer à redonner à la justice haïtienne un peu de cette légitimité qu’elle a largement perdue.

Jean Wesley Pierre

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