Port-au-Prince, 8 septembre 2025 – L’ancien directeur général du ministère des Cultes, Evens Souffrant, a comparu ce lundi 8 septembre devant le magistrat instructeur Noé Massillon Pierre-Louis dans le cadre de l’enquête sur le vaste réseau de trafics d’armes et de munitions qui secoue l’Église Épiscopale d’Haïti depuis plus de deux ans.
M. Souffrant avait été interpellé la semaine dernière à Saint-Médard, dans la commune de l’Arcahaie, en exécution d’un mandat d’amener émis par la Cour d’Appel. Son avocat, Me Claudet Lamour, a confirmé l’existence de ce mandat tout en précisant qu’une demande de main levée a déjà été soumise au magistrat instructeur.
Un dossier explosif au cœur de l’appareil étatique et religieux
L’affaire du trafic d’armes attribué à l’Église Épiscopale avait éclaté en 2022, lorsqu’un important lot d’armes de guerre et de munitions avait été saisi à Port-au-Prince, dissimulé dans des cargaisons destinées à l’institution religieuse. Depuis, l’enquête a révélé des ramifications multiples, impliquant non seulement des dignitaires de l’Église mais aussi des fonctionnaires publics, douaniers et acteurs politiques.
La comparution d’un ancien haut responsable du ministère des Cultes démontre une nouvelle fois que ce dossier dépasse le strict cadre religieux. Elle met en lumière les zones d’opacité qui entourent la gestion des relations entre l’État et les institutions confessionnelles, souvent utilisées comme couverture logistique pour des activités illégales.
Entre justice et soupçons d’impunité
Si la mise en accusation de personnalités comme Evens Souffrant peut être vue comme un signe encourageant d’indépendance judiciaire, elle soulève aussi des doutes. De nombreux observateurs estiment que l’appareil judiciaire haïtien a trop souvent cédé à des pressions politiques ou religieuses dans des dossiers sensibles.
« Ils blanchiront quelqu’un, comme ils l’ont fait pour d’autres personnes », déclare un jeune professionnel, informaticien Fritz-Gerald Clautaire. La méfiance vis-à-vis du système judiciaire an Haïti persiste auprès de la population, spécialement chez les jeunes.
L’histoire récente d’Haïti regorge d’affaires de corruption, de détournement de fonds et de trafic d’armes restées sans suite ou conclues par des arrangements opaques.
« Ils sont tous dans des gangs, ils sont tous en collusion avec des gangs », déclare Marie Yolande, une résidente de fort-national, qui malgré la situation croit toujours dans la justice haïtienne.
Dans ce contexte, la société civile exige que l’affaire de l’Église Épiscopale ne devienne pas un nouveau symbole d’impunité, mais plutôt un cas test pour la capacité du système judiciaire à sanctionner les crimes qui alimentent directement la spirale de violence armée.
Un enjeu vital pour la sécurité nationale
Le trafic d’armes est considéré comme l’un des moteurs principaux de l’insécurité en Haïti, alimentant la puissance de feu des gangs qui contrôlent de larges pans du territoire. Chaque cargaison illicite interceptée est perçue comme une bataille gagnée, mais tant que les réseaux institutionnels qui facilitent ces trafics ne sont pas démantelés, la crise restera hors de contrôle.
L’arrestation et l’interrogatoire d’Evens Souffrant s’inscrivent donc dans une dimension stratégique : démontrer que la justice haïtienne peut s’attaquer aux protections administratives et politiques qui permettent à ces trafics de prospérer.


