La transition en Haïti, censée ouvrir la voie vers un retour à l’ordre constitutionnel, demeure aujourd’hui bloquée. Entre ambitions personnelles, rivalités partisanes et institutions fragilisées, le pays reste enfermé dans une impasse politique qui aggrave la crise nationale.
Un processus miné par les calculs politiques
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, plusieurs accords politiques ont été proposés comme issue à la crise. Pourtant, aucun d’entre eux n’a réellement abouti. Les différentes coalitions se font et se défont au gré des intérêts, illustrant l’absence d’un véritable esprit de compromis.
Chaque acteur — qu’il s’agisse des partis politiques traditionnels, des figures de la société civile ou encore de certains groupes économiques — semble davantage préoccupé par le contrôle du futur pouvoir que par la recherche d’une stabilité durable. Ce jeu de manœuvres politiciennes transforme la transition en un terrain de marchandages permanents.
Des institutions paralysées
Parallèlement, le dysfonctionnement des institutions sape les bases mêmes de la gouvernance. La justice, gangrenée par la politisation et le manque de moyens, peine à remplir son rôle. Le Parlement reste absent, privant le pays d’un contre-pouvoir essentiel dans le système politique. Quant à l’administration publique, elle fonctionne au ralenti, incapable de répondre aux besoins urgents de la population.
Même au sein de l’exécutif transitoire, les divisions internes et l’absence de leadership clair empêchent la mise en œuvre de décisions fortes. Cette inertie institutionnelle entretient un vide qui nourrit l’instabilité.
Une population prise en otage
Pendant que les élites politiques se déchirent, la société haïtienne s’enfonce dans la précarité. L’insécurité s’étend, les déplacés internes se comptent par dizaines de milliers, et l’économie s’effondre. La population, désabusée, voit la transition non plus comme une solution, mais comme une crise dans la crise.
La méfiance généralisée à l’égard de la classe politique rend tout accord difficile à crédibiliser. Sans une volonté de rupture avec les pratiques habituelles, le risque est grand de voir s’installer une normalisation du vide institutionnel.
Quelle sortie de crise ?
La réussite de la transition dépend désormais d’une double dynamique : d’un côté, une volonté réelle des acteurs politiques de dépasser leurs intérêts immédiats pour privilégier le bien commun ; de l’autre, un accompagnement international qui encourage le dialogue sans chercher à imposer une formule extérieure déconnectée des réalités locales.
Sans un sursaut collectif, Haïti risque de s’enliser dans une crise prolongée où la transition, au lieu d’être une passerelle vers la stabilité, deviendra un cercle vicieux alimentant encore davantage l’incertitude et la défiance.
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