PORT-AU-PRINCE.— La remise officielle de l’avant-projet de la nouvelle Constitution aux autorités de transition vient relancer un débat crucial: celui de l’avenir électoral du pays. Dans un contexte marqué par l’instabilité politique, la crise sécuritaire et la méfiance citoyenne, la question qui s’impose désormais est de savoir si les prochaines élections pourront se tenir sur la base de ce texte, ou si elles devront attendre son éventuelle adoption.
Ce geste constitue une étape importante dans la refondation institutionnelle. Ce texte, en dépit de ses controverses, se veut une réponse aux failles de la Constitution en vigueur, notamment en matière de gouvernance, de partage du pouvoir et de mécanismes de contrôle.
Toutefois, son adoption nécessitera un processus complexe: débats publics, amendements, et surtout, un consultation populaire pour légitimer la réforme. Ce processus pourrait retarder la tenue d’élections déjà attendues depuis des années.
Les enjeux politiques et absence de garantie sécuritaire
Pour certains acteurs politiques, l’avant-projet pourrait ouvrir la voie à des élections plus transparentes et mieux encadrées. Pour d’autres, il constitue une manœuvre visant à repousser indéfiniment l’échéance électorale, laissant place à une transition sans fin. Entre méfiance et attentes, l’incertitude demeure sur la possibilité de concilier réforme constitutionnelle et urgence démocratique.
L’équation sécuritaire et institutionnelle vient accentuer les incertitudes de cette perspective. La réalité du terrain reste préoccupante: insécurité persistante, institutions fragilisées, absence de consensus sur les règles du jeu.
La mise en œuvre d’une nouvelle Constitution sans rétablissement minimal de la sécurité et de la confiance citoyenne pourrait accentuer la crise plutôt que la résoudre.
Les différents scénarios possibles
Un processus constitutionnel rapide, permettant d’organiser un référendum avant les élections générales, ce qui redéfinirait les bases du jeu politique.
La tenue d’élections sur la base de l’ancienne constitution, avec le risque d’ouvrir la voie à de nouvelles contestations.
Un compromis hybride, où la transition engagerait simultanément la réforme constitutionnelle et la préparation électorale, au prix de concessions politiques majeures.
Vu le comportement politique des acteurs généralement impliqués, les trois pistes semblent improbables. Peut-être devrions-nous nous attendre à une autre que celle qui a conduit à la formation du CPT. En Haïti consensus politique est souvent synonyme de séparation du gâteau…
La remise de l’avant-projet de la nouvelle Constitution marque un tournant symbolique, mais elle ne dissipe pas les incertitudes. Le pays se trouve à la croisée des chemins: avancer vers un renouvellement institutionnel profond ou prioriser l’organisation rapide d’élections pour restaurer la légitimité démocratique.
Dans tous les cas, la réussite dépendra moins du texte en lui-même que de la volonté politique et de la capacité à bâtir un consensus national.
Jean Mapou


