La Banque de la République d’Haïti (BRH) vient de publier son 7e Cahier de Recherche. Un document de 120 pages qui explore, à travers quatre études empiriques, les liens complexes entre la masse monétaire, les gains de change des banques, l’octroi de crédit et la santé économique du pays. L’institution se penche sur la période 2010-2024 pour analyser les dynamiques qui façonnent l’économie nationale : croissance monétaire et activité économique, déterminants des gains de change, causes des prêts improductifs et efficacité de la politique monétaire.
Dans cette publication parvenue à notre rédaction, la BRH souligne que ses travaux s’inscrivent dans une démarche scientifique et dans son rôle de garant de la stabilité financière. Le document puise notamment ses fondements dans les travaux de Kaminsky et Reinhart sur les crises bancaires et monétaires, tout en s’inspirant de la crise asiatique de 1997 pour nourrir la réflexion macroprudentielle.
Croissance monétaire et activité économique : un lien limité
La première étude vérifie si la croissance des indicateurs monétaires correspond à l’évolution de l’activité économique en Haïti. Les résultats révèlent l’absence de lien statistique probant entre les variables monétaires et l’indicateur conjoncturel de l’activité économique (ICAE) pour la période 2018-2024. En revanche, les impulsions monétaires influencent l’inflation (Indice des prix à la consommation). La BRH en conclut à une dichotomie entre sphère réelle et sphère monétaire dans le contexte haïtien.
Gains de change : quels déterminants ?
La seconde étude analyse les facteurs qui influencent la part des gains de change dans les revenus bancaires entre 2015 et 2024. Les résultats mettent en lumière l’influence notable de l’inflation et de l’activité économique sur les gains de change, l’impact majeur des mesures réglementaires introduites fin 2020 sur le marché des changes, ainsi qu’une dépendance marquée aux gains de change dans les banques à capitaux étrangers, notamment Citibank. Contrairement aux idées reçues, la recherche ne confirme pas que les revenus de change entraînent nécessairement une désintermédiation financière.
Prêts improductifs : des causes multiples
La troisième étude (1996-2023) identifie plusieurs facteurs influençant la qualité des portefeuilles bancaires. L’inflation dégrade la capacité de remboursement, tandis que la croissance monétaire et la rentabilité bancaire améliorent la qualité des prêts. Le taux de change a un effet ambigu : négatif à court terme, mais positif à long terme grâce à l’adaptation progressive des acteurs. L’étude souligne que la croissance économique en Haïti reste peu inclusive, avec un secteur informel représentant environ 60 % de l’emploi, limitant l’impact macroéconomique sur la santé bancaire.
Politique monétaire et crédit bancaire : efficacité limitée à long terme
La dernière étude évalue la capacité des instruments monétaires (taux d’intérêt, réserves obligatoires) à influencer l’octroi de crédit. Verdict : à court terme, ils ont une influence mesurable sur le crédit, l’inflation et le taux de change, mais à long terme, leur efficacité est jugée faible, voire inexistante.
Ces quatre études confirment que la politique monétaire haïtienne se heurte à une faible intégration entre sphères monétaire et réelle. La BRH appelle à renforcer la coordination entre politique monétaire, stabilité financière et développement économique pour relever les défis structurels du pays.
La rédaction