De nombreuses activités ont été organisées ce samedi 26 juillet pour célébrer les 70 ans de la création du compas direct, rythme national haïtien. Soirées d’hommage, conférences-débats sur divers thèmes, remises de plaques d’honneur en Haïti, au Canada et aux États-Unis : les célébrations ont été multiples et symboliques. Le point d’orgue de cette commémoration a été un méga concert sur la place Boyer, marquant également la relance de l’initiative visant à faire inscrire le compas au patrimoine immatériel de l’UNESCO.
70 ans d’histoire et de rythme
Ce 26 juillet 2025 a marqué le 70e anniversaire de la naissance du compas direct, ce genre musical inventé par Nemours Jean-Baptiste en 1955. Pour beaucoup, le compas n’est pas simplement une musique de divertissement : c’est un outil de construction identitaire, de résistance culturelle, et un langage musical de dialogue avec le monde, dans un contexte de mondialisation des expressions artistiques.
Un programme riche pour une célébration nationale et diasporique
De nombreuses activités ont marqué cette célébration. En Haïti, au Canada et aux États-Unis, conférences-débats, soirées d’hommage et prestations artistiques ont rassemblé mélomanes et professionnels du secteur musical.
Le samedi 26 juillet, la place Boyer à Pétion-Ville a été transformée en un véritable sanctuaire de la musique haïtienne, à l’initiative des ministères du Tourisme et de la Culture, en collaboration avec le groupe Handz. Des milliers de fans se sont réunis dans une ambiance d’émotion, de nostalgie et de fierté, au rythme d’une musique fédératrice.
Le dimanche 27 juillet, une soirée d’hommage à Nemours Jean-Baptiste s’est tenue dans un hôtel de Pétion-Ville. Plusieurs artistes et groupes musicaux ont rendu hommage au pionnier du compas, et une plaque d’honneur lui a été décernée à titre posthume.
Rappel historique
C’est sur la place Sainte-Anne à Port-au-Prince que, pour la première fois, Nemours Jean-Baptiste fit entendre ce nouveau son. Il n’avait aucun doute : le public allait danser. Et il avait raison. Le Compas Direct était né.
Dans les années 1970, ce mouvement a explosé. Des dizaines de groupes voient le jour, certains éphémères, d’autres devenus historiques. Nemours formait des jeunes, leur ouvrait la scène, parfois au prix de conflits. Tous, cependant, ont contribué à faire vivre et évoluer le rythme.
Le compas est aujourd’hui au cœur du patrimoine culturel immatériel d’Haïti. Il constitue une expression authentique de l’identité haïtienne, profondément ancrée dans l’histoire, les pratiques sociales et les habitudes d’écoute du peuple.
Selon Dauphin (2014), le compas désigne un style particulier de méringue qui illustre une dimension concrète de la typologie culturelle haïtienne. Plus qu’un genre musical, il est un marqueur fort de notre identité collective.
Vers la reconnaissance internationale du compas
Déjà inscrit depuis 2019 au registre national du patrimoine culturel immatériel haïtien, le compas fait aujourd’hui l’objet d’un processus de reconnaissance mondiale. Le 26 mars 2024, l’État haïtien, via sa délégation permanente auprès de l’UNESCO, a officiellement soumis la candidature du compas pour son inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Mais cette musique emblématique souffre d’un manque criant de soutien public. En l’absence de politiques culturelles cohérentes, le compas se trouve fragilisé, confronté à une invasion massive de musiques étrangères sur le marché haïtien, dans un contexte d’absence de régulation effective par les institutions concernées, en particulier le ministère de la Culture et de la Communication.
Aujourd’hui encore, il n’existe ni musée, ni bibliothèque, ni archives nationales dédiées à la conservation de l’histoire du compas. Il devient donc urgent d’agir pour protéger, valoriser et renouveler ce patrimoine vivant, pilier de notre mémoire collective et symbole de notre souveraineté culturelle.
Évolution et diversité du compas
Selon Jean-Pierre, dans les années 1960, la musique compas a traversé quatre grandes phases :
1. Le compas direct de Nemours Jean-Baptiste,
2. La cadence rampas de Webert Sicot,
3. L’émergence des mini-jazz avec des groupes comme Shleu-Shleu,
4. L’évolution des mini-jazz avec des groupes comme Les Fantaisistes de Carrefour et Les Ambassadeurs.
À côté du compas traditionnel, plusieurs styles dérivés ont enrichi ce genre musical :
• Compas Manba (Coupé Cloué),
• Compas Kè Kal (Bossa Combo),
• Compas Matchavèl (Système Band),
• Compas Hounsi (Tropicana).
Il faut aussi mentionner le siwèl, rythme des coupeurs de canne revenus de Cuba, joué avec guitare ou banjo, maracas (ou tchatcha), manoumba, caisse en bois, accordéon, flûte et cymbale (Hancy, 2024).
Par Gédéon Delva


