Alors que la crise haïtienne s’enlise dans une impasse politique et institutionnelle sans précédent, l’organisation socio-politique « NOUKONSYAN » hausse le ton.
Dans une note de conjoncture rendue publique, ce mercredi, elle dresse un réquisitoire sévère contre le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), qu’elle accuse d’avoir totalement failli à sa mission. À travers cette déclaration, NOUKONSYAN relance le débat sur l’avenir de la transition et appelle à une mobilisation populaire structurée en vue d’un véritable changement.
Un bilan jugé désastreux
Depuis sa mise en place en avril 2024, le CPT fait l’objet de nombreuses critiques, tant sur le fond que sur la forme. Pour NOUKONSYAN, le Conseil s’est illustré par l’inaction, le gaspillage et une opacité dans la gestion des affaires publiques. L’organisation dénonce notamment l’octroi de contrats sans transparence, la mauvaise utilisation de fonds publics, ainsi que l’absence de réponses concrètes face à la misère de la population et aux urgences nationales.
Les dépenses jugées excessives à l’occasion de la fête du 18 mai, les accords opaques avec des compagnies privées, et les fonds mobilisés pour un référendum jugé contesté, sont cités comme exemples d’un pouvoir déconnecté des réalités.. Le silence persistant des autorités face au sort de nombreux Haïtiens refoulés ou en difficulté à l’étranger est également pointé du doigt.
L’échec du CPT : un constat étendu à ses parrains
Au-delà du CPT lui-même, NOUKONSYAN remet en cause l’ensemble des acteurs politiques et sociaux qui ont permis sa formation. Selon l’organisation, cette expérience a démontré l’incapacité des forces traditionnelles à proposer un cadre de sortie de crise viable et crédible. Elle exprime ainsi son scepticisme quant à la relance des discussions menées sous l’égide de la CARICOM et de certaines franges de la société civile, qu’elle juge inefficaces et dépassées.
Une proposition alternative axée sur l’institutionnalité
Face à ce constat, NOUKONSYAN renouvelle sa propre proposition de sortie de crise, qui passe par la mise en place d’un Conseil Présidentiel resserré, composé de trois personnalités indépendantes issues d’institutions nationales clés : l’Université d’État d’Haïti (UEH), la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) et la Banque de la République d’Haïti (BRH).
Ce trio, selon l’organisation, serait en mesure de garantir à la fois un leadership éthique, une gestion rigoureuse des ressources publiques, et une vision claire pour une transition axée sur des réformes structurelles et l’organisation d’élections crédibles.
Un appel à la mobilisation nationale
Dans sa note, NOUKONSYAN ne se limite pas à l’analyse. Elle appelle à une vaste mobilisation populaire et pacifique. Jeunes, ouvriers, enseignants, professionnels, paysans, diaspora : tous les secteurs de la vie nationale sont invités à s’unir pour exiger la fin de la transition actuelle et l’adoption d’un projet d’avenir commun pour Haïti.
Avec en perspective une « Haïti souveraine, prospère et juste » à l’horizon 2054, NOUKONSYAN veut ainsi transformer le rejet populaire du système actuel en une dynamique de refondation nationale. Le message est clair : sans rupture avec les pratiques actuelles, aucun progrès durable ne sera possible.
Un nouveau souffle ou un vœu pieux ?
Alors que les critiques contre le CPT se multiplient, notamment dans les milieux religieux et intellectuels, la proposition de NOUKONSYAN pourrait trouver un écho croissant dans l’opinion publique. Reste à savoir si l’organisation parviendra à fédérer au-delà de la dénonciation et à mobiliser efficacement dans un pays profondément fracturé.
Quoi qu’il en soit, cette nouvelle prise de position confirme l’accélération du désenchantement à l’égard du Conseil de Transition et ouvre la voie à d’intenses débats sur les alternatives possibles pour sortir durablement de la crise haïtienne.
Par Gesly Sinvilier