Alors que les gangs continuent de renforcer leur arsenal, un rapport des Nations Unies pointe du doigt la gestion douteuse des stocks d’armes de la Police nationale d’Haïti (PNH), qui seraient devenus une source majeure d’approvisionnement pour les groupes armés. Un trafic complexe, où s’entremêlent corruption, détournements et complicités transfrontalières.
*Un rapport accablant*
Dans son dernier rapport de juin 2025, le Groupe d’experts des Nations Unies alerte sur la dynamique persistante du trafic d’armes en Haïti, un phénomène alimenté à la fois par des importations illicites et par le détournement des stocks de la Police nationale d’Haïti (PNH). Malgré l’embargo imposé, les gangs armés ne cessent d’accroître leur puissance de feu et parviennent même à se procurer des armes sophistiquées, comme les fusils de calibre important et les désormais célèbres « armes fantômes », difficiles à tracer.
Le rapport révèle que la PNH n’est pas épargnée par ce système. En 2024, plusieurs de ses membres ont été arrêtés alors qu’ils fournissaient des munitions aux gangs, parfois en complicité avec des proches ayant accès aux arsenaux officiels. Deux cas illustrent ce phénomène : l’arrestation, en octobre 2024, d’un officier transportant près de 2 700 munitions destinées au gang Kraché Difé, et celle, quelques jours plus tard, d’un policier arrêté avec 2 400 munitions censées approvisionner la coalition Viv Ansanm. Dans ce dernier cas, les munitions provenaient directement de l’armurerie centrale de la PNH.
*Une corruption transnationale*
Les détournements ne concernent pas uniquement Haïti. Le rapport évoque également la participation d’agents dominicains corrompus dans la vente de munitions aux groupes armés haïtiens. Une saisie majeure de 5 000 cartouches en juillet 2024 à Mirebalais, dans le centre d’Haïti, a révélé que ces munitions provenaient des stocks de la Police nationale de la République dominicaine. Une enquête de grande envergure en territoire dominicain a par la suite révélé la disparition de plus de 900 000 munitions de leurs entrepôts officiels.
Les Nations Unies soulignent par ailleurs le manque de contrôle des sociétés de sécurité privées en Haïti et s’inquiètent des failles liées aux importations d’armes par les missions diplomatiques. La situation est d’autant plus préoccupante que certaines ambassades, ainsi que des consuls honoraires, seraient impliqués dans des pratiques opaques facilitant l’entrée de ces armes sur le territoire.
Si la Police nationale continue d’afficher des saisies régulières, notamment à Cité-Soleil où une « arme fantôme » a été confisquée fin 2024, le rapport laisse entendre que les forces de l’ordre disposent encore de ressources stratégiques, mais aussi de failles internes qui alimentent la crise. Entre saisies spectaculaires et complicités avérées, la PNH semble jouer un double jeu dans cette guerre complexe où chaque munition compte.
La rédaction