La Police nationale d’Haïti (PNH) fête, aujourd’hui, ses trente ans d’existence dans une atmosphère de crise nationale profonde. Entre honneur, sacrifices et défis structurels. Créée le 12 juin 1995 après la dissolution des Forces armées d’Haïti, elle reste, selon les mots du Premier ministre, « la colonne vertébrale de l’ordre républicain ».
Ce jeudi, la Police nationale d’Haïti (PNH) franchit le cap de ses 30 ans. Trente années d’un parcours semé d’embûches dans un pays où l’instabilité est devenue chronique. Depuis sa création en 1995, dans la foulée de la démobilisation des Forces armées d’Haïti, la PNH s’est vue confier une tâche immense : sécuriser le territoire, faire respecter la loi et incarner, seule, l’autorité publique.
Aujourd’hui encore, dans un pays traversé par la violence, le chaos politique et la fragmentation territoriale, elle demeure la dernière structure étatique à conserver une forme d’ancrage national. Une réalité soulignée par le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé dans un communiqué officiel, où il rend hommage au « courage quotidien » des policiers, affirmant que « leur engagement ne sera jamais oublié ; leur sacrifice nous oblige ».
Une force sous pression
Avec à peine 13 000 agents pour plus de 11,5 millions d’habitants — soit 1,1 policier pour 1 000 contre 2,2 recommandés — la PNH opère bien en dessous des normes internationales. Véhicules rares, armes vétustes, gilets pare-balles insuffisants, commissariats détruits ou désertés : les moyens manquent cruellement.
Pourtant, femmes et hommes tiennent encore la ligne, souvent dans des conditions extrêmes : salaires faibles, horaires épuisants, absence d’assurance, de soutien psychologique ou de garanties légales. Servir dans la PNH, c’est souvent accepter le risque ultime.
Des hommages, mais aussi des attentes
Dans son discours, le chef du gouvernement a qualifié la PNH de « rempart ultime de l’ordre républicain, de la souveraineté nationale et de l’espérance collective ». Il s’est engagé à « renforcer l’institution sur les plans matériel et structurel », tout en appelant à l’unité autour de la mission sécuritaire.
Mais les policiers attendent davantage que des promesses : des équipements adaptés, une stratégie de sécurité nationale, une réforme interne profonde, notamment pour faire face aux accusations récurrentes d’infiltration ou de corruption. La professionnalisation, la formation continue et un système de promotion équitable figurent aussi parmi les revendications urgentes.
Une institution au cœur d’un pays en guerre interne
Depuis la montée de l’insécurité sous la gouvernance de Jovenel Moïse, plus de 100 policiers ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions, souvent lors d’embuscades ou d’attaques ciblées. Dans plusieurs quartiers populaires, des gangs lourdement armés font la loi. Et dans certaines régions, l’État n’existe plus que par la présence d’un poste de police, souvent isolé et sous pression.
Pour le Premier ministre, la survie même de la République repose en partie sur cette institution : « La PNH peut compter sur la pleine solidarité de l’État. Sa victoire est celle de tout un peuple. » Un message solennel, dans un pays où l’espoir s’épuise aussi vite que les institutions s’effondrent.
Une mémoire en uniforme
Trente ans après sa fondation, la PNH ne célèbre pas une réussite parfaite, mais une résistance obstinée. Elle n’est pas épargnée par les critiques, les contradictions ou les défaillances. Mais elle incarne, encore, l’idée d’un État qui n’a pas totalement disparu.
Et si cet anniversaire est un moment de reconnaissance, il est surtout un appel à la refondation : reconstruire la police, c’est, quelque part, reconstruire Haïti.
Wideberlin Senexant