Par Gesly Sinvilier
Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, le conflit israélo-palestinien a franchi un nouveau seuil de violence et d’ampleur sans précédent . Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien, s’est lancé dans une guerre annoncée comme totale contre le Hamas, avec l’objectif affiché de « démanteler l’organisation terroriste » et de « restaurer la sécurité d’Israël ».
Plus de dix-huit mois après, la guerre s’est enlisée à un niveau inimaginable : Gaza est en ruines, le bilan humain, côté palestinien, augmente considérablement selon les autorités locales, des milliers d’Israéliens restent traumatisés, et les otages ne sont toujours pas tous libérés. Alors que les combats se poursuivent, une question s’impose : Netanyahou peut-il atteindre ses objectifs ? Et surtout, quel chemin pour la paix ?
Une guerre aux contours changeants
La riposte israélienne, massive et sans précédent depuis des décennies, a d’abord bénéficié d’un large soutien interne et d’un appui international tacite, notamment des États-Unis. Mais au fil des mois, l’ampleur des destructions, les crises humanitaires successives, les frappes sur des convois humanitaires, les morts civiles — femmes, enfants, soignants, journalistes — ont profondément altéré cette dynamique.
Netanyahou, sous pression politique et judiciaire dans son propre pays, a fait de cette guerre une affaire personnelle. Il refuse les propositions de cessez-le-feu qui ne garantissent pas la « victoire totale » sur le Hamas, alors même que plusieurs membres de son cabinet, de hauts responsables militaires, et des familles d’otages plaident pour une sortie rapide du conflit.
Mais le Hamas n’est pas un ennemi classique : profondément enraciné dans la société gazaouie, il est difficile à l’éradiquer par des moyens militaires seuls. Chaque frappe israélienne alimente une spirale de haine et renforce, paradoxalement, la résilience de groupes armés.
Une communauté internationale divisée et impuissante
Face à la poursuite des hostilités, la communauté internationale apparaît fragmentée. Les États-Unis, principal allié d’Israël, commencent à hausser le ton, appelant à « une fin rapide » de la guerre et conditionnant une partie de leur aide militaire. L’Afrique du Sud, la Jordanie, la Turquie, la France, et plusieurs pays d’Amérique latine ont dénoncé des « crimes de guerre ». La Cour internationale de Justice a même demandé à Israël de cesser ses opérations militaires. Mais Netanyahou persiste, convaincu que l’objectif de sécurité prime sur les considérations diplomatiques ou humanitaires.
Les institutions internationales — ONU, Conseil de sécurité, CPI — peinent à peser, face au jeu d’alliances, aux vétos croisés, et à l’absence d’une volonté politique collective pour imposer un cessez-le-feu durable.
Vers une paix durable : quels mécanismes ?
La fin de la guerre ne sera pas simplement militaire. Elle nécessitera un cadre politique global. Plusieurs options sont sur la table :
Un accord de cessez-le-feu en plusieurs étapes, avec échange d’otages contre prisonniers palestiniens, retrait progressif de Tsahal, et mise en place d’une force d’interposition internationale.
– Une relance du processus de paix israélo-palestinien, aujourd’hui moribond, incluant une reconnaissance mutuelle, des garanties de sécurité, et une perspective d’État palestinien viable.
Cela impliquerait aussi un renouveau du leadership palestinien, au-delà du Hamas comme de l’Autorité palestinienne actuelle.
– Une gouvernance multilatérale de Gaza, sous supervision arabe et internationale, avec reconstruction, désarmement progressif, et aide humanitaire massive.
Mais aucun de ces scénarios ne pourra aboutir sans une pression coordonnée et ferme de la communauté internationale sur toutes les parties. Et surtout, sans une prise en compte des aspirations légitimes des deux peuples à la sécurité, à la dignité et à l’autodétermination.
Netanyahou à la croisée des chemins
L’avenir politique de Benyamin Netanyahou est lui aussi suspendu à l’évolution de ce conflit. S’il réussit à ramener tous les otages vivants, il pourrait regagner une légitimité populaire. Mais s’il échoue, il risque d’être rattrapé par les manifestations intérieures, les critiques de l’armée, et ses procès en cours pour corruption.
Quant à Gaza, elle reste une terre meurtrie. Sans une vision politique, elle risque de rester prisonnière d’une guerre sans fin. Et sans une volonté collective pour faire taire les armes, les appels à la paix resteront lettre morte.
Enfin, la guerre actuelle n’est pas seulement celle d’Israël contre le Hamas. C’est une lutte pour la mémoire, la justice, la dignité et la survie. Mais sans courage politique — à Tel-Aviv, à Ramallah, à Washington, à Paris et au Caire — la paix restera un mirage. Et Gaza, un champ de ruines et de larmes.