Par Jean Venel Casséus, MSc
Avez-vous déjà eu la chance de regarder la série chinoise Wolf Warriors (Les Soldats Loups) ? Celle qui a inspiré les nouvelles théories et politiques de la diplomatie chinoise ? Sinon, cherchez-la. Non pas pour le scénario, mais pour comprendre comment une fiction peut accoucher d’une doctrine diplomatique audacieuse, agressive, cohérente. Une diplomatie de combat, nationaliste, assumée, désormais surnommée Wolf Warrior Diplomacy. Ce que cette série incarne à l’écran, la Chine s’efforce de le traduire dans ses relations internationales : défendre bec et ongles ses intérêts, partout, sans complexe.
C’est précisément cette articulation entre culture, stratégie et vision politique qui me pousse à interroger notre propre rapport à la diplomatie. Trop souvent, nous croyons qu’avoir des ambassades suffit à exister sur la scène internationale. Or, la diplomatie n’est ni une danse mondaine, ni un simple poste d’affectation grassement rémunéré. Elle est l’expression extérieure d’une politique intérieure forte, d’une volonté nationale souveraine et structurée. Elle est ce fil invisible qui relie les ambitions d’un peuple à la réalité des rapports de force mondiaux. Lorsqu’un État ne parvient pas à définir une politique étrangère fidèle à ses priorités internes, il ne fait qu’envoyer à l’étranger des représentants coupés de tout projet diplomatique réel.
J’affirme sans détour qu’on peut avoir des diplomates dans toutes les capitales du monde sans avoir de diplomatie. Ce n’est pas la diplomatie, ni des études, qui fait un diplomate, mais une carte d’accréditation octroyée par une chancellerie. Ce qui fait la diplomatie, ce n’est ni le protocole, ni les réceptions. C’est le projet. C’est l’alignement entre l’image qu’on veut projeter et les leviers qu’on active pour qu’elle serve nos intérêts. Dans un monde globalisé et en recomposition permanente, ne pas avoir de diplomatie, c’est choisir de subir l’ordre international au lieu d’y participer. C’est renoncer à exister comme acteur dans les négociations qui comptent.
Dans les missions diplomatiques censées porter la voix d’Haïti, l’on nomme des amis, des frères, des obligés — non pour servir la patrie, mais pour fuir l’insécurité, échapper au tumulte du quotidien, ou se soustraire au regard inquisiteur du peuple. On y trouve le confort, les voyages, le protocole ; mais rarement l’engagement. Et c’est là que l’illusion se fissure : sans projet national, sans stratégie d’ensemble, sans colonne vertébrale politique, la diplomatie n’est qu’un théâtre vide, une mise en scène sans texte ni acteur véritable.
Je n’ai donc que cette vérité à dire : là où l’État est absent, la diplomatie est silencieuse. Et un État avec une colonie de diplomates sans diplomatie n’est qu’un figurant sur la scène d’un monde qui n’attend personne.


